Le 13 novembre 2015.

Horreur… En Israël où je me trouve, les émissions de télévision entièrement dédiées aux attentats de Paris, expriment l’idée que l’Europe n’a pas pris la mesure de la gravité des défis qui lui sont livrés par l’Islamisme radical. Le Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, n’avait pourtant pas caché au cours de cette année qu’un attentat de grande ampleur aurait lieu en France et que les questions auxquelles on ne pouvait pas répondre étaient celles du « quand » et du « où », mais pas du « si ».

Avant tout, penser aux morts et à leurs familles, à tous ceux que ces attentats auront brisés, physiquement ou psychologiquement, de sorte qu’ils en garderont les séquelles toute leur vie. Des jeunes pour la plupart, venus écouter de la musique ou dîner entre amis. Le deuil de la nation pendant trois jours est destiné au recueillement.

Ensuite, viendra le temps des questions. La revendication par le Daesh, la simultanéité des attaques éviteront d’évoquer une fois de plus « le loup isolé » (hypothèse souvent réfutée, d’ailleurs) : il s’agit de commandos entraînés à tuer… et à se tuer.

C’est la première des questions : les auteurs des attentats se sont fait sauter et l’artificier agile qui a préparé leurs ceintures continue d’officier quelque part, probablement encore dans notre pays ; peut-être est-il en train d’organiser une seconde vague « d’actions-martyres ». Si les mots ont un sens, le démantèlement du réseau est d’une urgence absolue, et on ne peut qu’espérer que les mesures prises ne provoqueront pas trop vite les protestations angéliques de ceux qui veulent garder les mains blanches, quitte à ne plus avoir de mains.

La deuxième des questions, on l’esquive habituellement, car elle dépasse notre entendement et quand nous ne comprenons pas, nous écartons de notre esprit. Les attentats que la France a subis laissaient jusque-là aux terroristes une possibilité (on n’écrira pas un « espoir ») de survivre. Rien de tel ici: ils savaient qu’ils allaient mourir, plus exactement rejoindre le paradis d’Allah et ses récompenses rien moins que spirituelles. Le désir de mort en tuant des infidèles est devenu dans l’Islam une maladie passionnelle hautement virulente. Nous ne savons pas comment désendoctriner : plus facile de faire une omelette avec des œufs que des œufs avec une omelette. Mais nous ne pouvons pas considérer qu’il s’agit d’un phénomène marginal: il est en train de pourrir une génération entière de jeunes musulmans, parfois au grand dam de leurs parents en désarroi, et nécessite une réponse autre que artisanale, quel que soit le mérite de ceux qui essaient. Le caractère impitoyable de notre réaction, martelé par le Président de la République sera jugé, non pas tant par la punition des apprentis terroristes, dont il importe peu de savoir s’ils seront libérés au bout de trois jours ou de trois mois, mais d’une part à l’action sur ceux qui les endoctrinent, les entrainent et les financent et d’autre part à son efficacité sur l’éradication de ce cancer mental. Et qu’on laisse de côté les considérations sociologiques habituelles: le célèbre djihadiste anglais qu’un drone vient apparemment de supprimer était un technicien supérieur en informatique, pas vraiment un laissé pour compte de la société capitaliste…

Troisième question, celle des cibles. Certains s’étonneront, publiquement ou in petto, de ces attentats du vendredi soir dans des lieux de loisir sans lien spécifique avec des Juifs. Les malades du complotisme ne manqueront pas de s’exciter sur ce fait; le Mossad sera mis en accusation comme d’habitude dans les réseaux sociaux et les bacharistes l’utiliseront comme preuve de la collusion des sionistes et du Daesh. Là n’est pas le principal. Les attentats étaient destinés à semer l’effroi général, comme ceux du 11 septembre, de Londres ou de Madrid, ces derniers si rapidement sortis de notre mémoire européenne. Ils avaient un objectif, les « croisés ». Mais les « croisés » sont fatigués et ne veulent pas avoir d’ennemis. Le pape a eu beau dire à une délégation à laquelle j’avais l‘honneur de participer que nous sommes entrés dans la troisième guerre mondiale, il est tellement plus rassurant de répéter que c’est l’occupation israélienne qui est le problème principal. On attend avec impatience le premier article qui fera le lien entre les attentats de Paris et le conflit israélo-palestinien. Et après une période de deuil assez brève, les appels BDS reprendront. Qui demande à boycotter les financiers du Daesh dont les noms sont connus ?

Restera enfin une quatrième question, que faire sur le plan géopolitique pour affaiblir le Daesh ? Deux réponses que nous verrons proposées sont aussi néfastes l’une que l’autre :

1°) Considérer que la France n’a rien à faire en Syrie et que les attentats s’expliquent (se justifient?) par les bombardements sur le Daesh. Courage fuyons, laissons le Daesh tranquille et il nous laissera en paix.

2°) Inversement, considérer qu’il faut lutter de toute force contre le Daesh et pour cela soutenir les « modérés », autrement dit les Iraniens, du côté chiite, nouveaux favoris de nos élites, et les Frères Musulmans du côté sunnite.

Or c’est oublier que, s’il existe un dramatique radicalisme religieux islamiste qui a pris l’aspect d’un nouveau nazisme, c’est à cause de deux hommes. Le premier, du côté sunnite, est Hassan el Banna, le fondateur des Frères Musulmans, l’homme qui a mis en première ligne, dès les années 1920, parmi les devoirs du croyant, l’amour de la mort au nom d’Allah dans la lutte contre les mécréants, et dont le disciple Sayid Qutb est le père spirituel de Al Qaida et du Daesh. Le second, le chiite, est l’ayatollah Khomeini, qui a fomenté au Liban le premier attentat suicide en 1982 et qui a envoyé des dizaines de milliers d’enfants sur les mines irakiennes avec comme seule arme une clé du paradis. C’est pourquoi entendre aujourd’hui l’élégant, mais sanguinaire président Rouhani faire passer son pays pour une victime du terrorisme dans ses condoléances à la France fait froid dans le dos, car cette annonce sera, sans nul doute, reçue avec satisfaction par nos autorités. Ne l’oublions pas : les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis…

Dr Richard Prasquier

Président du Keren Hayessod France
Président d’Honneur du Crif

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