L’ALYAH, CHÈRE AU COEUR DE JEUNES FRANÇAIS, S’AVÈRE PARFOIS COMPLEXE, FACE À LA RÉALITÉ DE LA VIE ISRAÉLIENNE. DANS CE CADRE, CHACUN DOIT POUVOIR RÉUSSIR SON INTÉGRATION. C’EST L’AMBITION DU PROGRAMME PASSEPORT POUR LA RÉUSSITE, CRÉÉ EN 2016 PAR L’ALLIANCE ISRAÉLITE UNIVERSELLE (AIU), AU SEIN DE SON CAMPUS MIKVÉ ISRAËL SITUÉ PRÈS DE HOLON, QUI ABRITE DEPUIS 2007 UN COLLÈGE LYCÉE FRANCO-ISRAÉLIEN. SOUCIEUX DE L’AVENIR DES JEUNES EN ISRAËL, LE KEREN HAYESSOD SOUTIENT CETTE INITIATIVE QUI AIDE DES LYCÉENS ISSUS DE FAMILLES MODESTES À PRÉPARER LEUR BAC, ENTRE MODÈLES FRANÇAIS ET ISRAÉLIEN.
RENCONTRE AVEC EVA LABI, DIRECTRICE DES PROGRAMMES ET DES RELATIONS ENTRE ISRAËL ET LES COMMUNAUTÉS, POUR LA DÉLÉGATION ISRAËL DE L’AIU.
Par Paula Haddad

Pourquoi avoir mis en place le programme Passeport pour la réussite ?
Quand j’étais Directrice générale adjointe de l’AIU à Paris, j’ai participé à la création du collège lycée franco-israélien qui accueillait essentiellement des enfants d’expatriés, des jeunes qui avaient fait leur alyah en famille ou d’autres qui voulaient passer leur bac français avant de choisir de s’installer ou pas en Israël. Puis, il y a cinq ans, en prenant mes nouvelles fonctions à la délégation Israël de l’AIU, il est apparu qu’il y avait du fait de l’augmentation de l’alyah, la nécessité de davantage aider de jeunes olims, en particulier les lycéens. S’ils n’ont ni la maîtrise de la langue ni la compréhension du modèle scolaire israélien, ils sont confrontés à l’échec ou à la déscolarisation. Nous avons créé « Passeport pour la réussite » afin de leur permettre de préparer sereinement le bac français, pleinement reconnu par les universités israéliennes, et ce dans la continuité de leur scolarité, qu’ils arrivent en Seconde ou Première dans notre établissement.

Comment se présente ce programme ?
Notre spécificité, c’est de mettre l’accent sur l’apprentissage intensif de l’hébreu : certains savent lire dans un livre de prières, d’autres pas quand ils viennent de l’école publique. Ils n’ont donc pas
le niveau requis pour s’insérer. Par ailleurs, ils bénéficient d’un riche programme d’intégration : découverte du pays, de la société et de la culture israélienne… Ils ont aussi accès à une initiation aux sciences politiques et relations internationales. Tous les programmes sont validés par les inspecteurs des Ministères de l’Education français et israélien.

À part la langue, quelles sont les autres difficultés auxquelles sont confrontés ces jeunes ?
La compréhension du système scolaire israélien. Nos élèves n’ont pas l’habitude d’aller en cours de 8 h 30 à 13 h 30, ils vivent ainsi la « semaine des 4 jeudis », le rapport aux enseignants est différent tout comme les programmes. Ils ont aussi besoin d’un soutien psychologique, car ils sont souvent loin de leurs proches et d’un accompagnement administratif dans leur nouvelle vie d’Israélien avec notamment une préparation à l’armée dont ils ont parfois une vision un peu idéalisée.

Concrètement, qui sont ces jeunes Français ?
On a quasiment autant d’élèves qui viennent avec leurs parents, que par eux-mêmes. D’ailleurs, ils vivent pour beaucoup en internat même quand la famille réside en Israël. Une part importante
d’entre eux est issue de familles de classe moyenne qui n’ont pas la possibilité de prendre en charge le coût d’une scolarité (lire encadré). Les parcours sont différents, mais une majorité réalise une alyah pleinement souhaitée. On ne peut toutefois pas ignorer les jeunes qui ne se sentent plus en sécurité en France, à l’école publique et qui espèrent se réaliser davantage en Israël. Je pense à cette jeune fille, arrivée seule au campus en classe de Seconde, qui habitait dans le 93. Elle a été harcelée et menacée à plusieurs reprises. Partir en Israël était pour elle, la solution la plus pertinente. Nous avons aussi l’histoire d’un frère et d’une soeur qui étaient inscrits dans une école israélienne. La famille était relativement bien préparée à l’alyah. Au bout de 3 mois, les deux lycéens ont perdu pied alors qu’ils avaient de bons résultats en France et ont été déscolarisés. Il se trouve que nous avons un programme d’aide à l’intégration dans des écoles israéliennes à Netanya où ils vivaient, cela nous a permis d’identifier leur situation et de les aider à voir l’alyah autrement que comme une difficulté insurmontable.

Ces élèves côtoient des Israéliens sur le Campus. Comment se passe la cohabitation ?
Au début, il y a de part et d’autre une défiance, des clichés sur chacun. Nous travaillons à mettre en avant ce qu’ils ont de commun. Cette proximité permet aux Français de développer leur niveau d’hébreu, d’être accompagnés dans leurs devoirs et de vivre en totale immersion. Pour nos élèves israéliens, il y a l’apprentissage de l’accueil de l’autre, tellement différent et tellement proche. Enfin, ils partagent ensemble des programmes, notamment de volontariat sur le Campus.

Quel est le premier bilan ?
Nous avons à ce jour 100% de réussite au bac et 70 % de mentions. Ceux qui ont réalisé leur alyah ont rejoint des unités d’élite dans l’armée, les autres ont commencé des études au Technion ou à l’université israélienne. La quasi-totalité de nos élèves reste en Israël.