Par Laurence KRIEF.

Les parents d’une même confession ou de confessions religieuses différentes procèdent à des choix relatifs à l’éducation religieuse qu’ils envisagent de donner et/ou transmettre à leurs enfants.
Conformément à l’article 371-1 du Code civil, les parents, dans le cadre de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, doivent assurer l’éducation de leurs enfants mineurs, laquelle comprend l’éducation religieuse.
La jurisprudence considère tout ce qui a trait aux choix religieux : baptême, circoncision à des fins rituelles, catéchisme, communion, pratiques liées à la religion choisie, n’est pas un acte usuel.
Par conséquent, toute décision y afférente doit faire l’objet d’un accord des deux parents, dans le
cadre d’un exercice conjoint de l’autorité parentale.

Ce choix doit être opéré librement par les parents et l’État, ou plus précisément le juge, en cas de
désaccord entre les parents, ne peut en principe porter atteinte à cette liberté.
A défaut d’accord entre les parents, le juge aux affaires familiales est en France compétent pour
intervenir sur ces problématiques d’exercice conjoint de l’autorité parentale et le juge est tenu à un
devoir de neutralité face aux questions religieuses.
La Cour européenne des droits de l’Homme impose aux juridictions des États membres du Conseil de
l’Europe, dont la France, de statuer, en cas de désaccord sur l’éducation religieuse des enfants, en
tenant compte seulement de l’intérêt supérieur de l’enfant, sans avoir de présupposés quant aux
convictions religieuses des parents, s’agirait-il d’une religion relevant d’un mouvement minoritaire ou
sectaire (« Hoffmann c/ Autriche » N°12-875/87 23 juin 1993).
Le juge pourra toutefois sanctionner les atteintes graves portées à l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’adhésion à une religion entraîne nécessairement la pratique de rites initiatiques : baptêmes,
circoncisions, communions : ces rituels et évènements, qui émaillent la vie, peuvent être source de
désaccords et dégénérer en différends.
Idéalement, la solution serait de laisser l’enfant choisir de pratiquer ou non ces rites. Toutefois,
lorsqu’il est en bas âge et privé de discernement, ce choix revient aux parents.
S’agissant du baptême, la Cour de cassation a refusé le baptême d’enfants âgés de six et sept ans,
dès lors que le père souhaitait que ses enfants soient baptisés mais pas la mère, celle-ci estimant que
les enfants ne pouvaient comprendre le sens de cette démarche et qu’ils feront ce choix en
conscience à leur majorité (Cass, 1 ère civ, 23 septembre 2015 n°14-23.724).
Un baptême ne peut alors avoir lieu en l’absence d’une manifestation claire des deux parents (CA
Lyon, 20 mai 2014 n°13/00348).
S’agissant de la circoncision, le juge est plus vigilant, puisqu’il s’agit d’un acte qui porte
nécessairement atteinte à l’intégrité physique de l’enfant.
La jurisprudence a considéré que l’acte de circoncision ne pouvait être assimilé à un acte usuel, dès
lors qu’elle est effectuée, non pas à des fins thérapeutiques, mais dans une démarche religieuse et
qu’elle nécessite par conséquent l’accord des deux parents (CA de Nancy, 5 octobre 2009,
n°08/00269).
Si les deux parents ne sont pas d’accord en raison de considérations religieuses divergentes, le juge
aux affaires familiales refusera d’autoriser une telle pratique (CA Grenoble, 23 octobre 2012
n°12/00324).

La Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir refusé tout droit de visite et d’hébergement
à un père qui avait imposé la circoncision, sans l’accord de la mère, à ses jeunes enfants considérant
que cela constituait une menace pour leur santé physique et morale (Cass, 1 ère civ, 26 janvier 1994
n°92-10.838).
La question de l’éducation religieuse de l’enfant peut se poser lors du choix de l’établissement scolaire : un établissement laïc ou religieux ?
Il a été jugé « qu’une inscription dans un établissement scolaire privé à caractère religieux ou autre ne
peut être considéré comme un acte usuel et exige dès lors l’accord des deux parents et à défaut
d’accord la saisine du juge aux affaires familiales ; que toutefois, la réinscription l’année suivante dans
le même établissement privé devient un acte usuel pour lequel l’accord de l’autre parent n’est plus
exigé » (CA Paris, 9 juillet 2015 n°15/00320).
En cas de désaccord parental, l’intérêt de l’enfant dictera de le scolariser dans des conditions ne
faisant pas primer les convictions religieuses de l’un des parents sur celles de l’autre (Cour d’appel de
Douai, 28 août 2014 n°14/05205).
Exemple d’un autre cas : les parents étaient séparés, la mère était catholique et le père de confession
juive. La mère souhaitait inscrire, sans l’accord du père, les enfants dans un établissement catholique.
Le juge a décidé que les enfants devaient être, à défaut d’accord entre les parents, scolarisés dans un
établissement public, laïc, afin de ne pas favoriser la religion catholique par rapport à la religion juive.
Outre l’éducation scolaire, la question de l’éducation religieuse se pose aussi lors des rituels de
majorité religieuse : bar ou bat mitzvah ou communion.
S’agissant d’un évènement religieux particulièrement important dans la vie de l’enfant, la décision de
célébrer ou non la bar ou bat-mitzvah nécessite l’accord des deux parents.
Une Cour d’appel a été amenée à statuer sur un désaccord opposant un couple mixte, le père était
juif et la mère non-juive et le désaccord portait sur la célébration de la bar-mitzvah de leur fils.
Le père, qui était en instance de divorce, avait organisé cette cérémonie en Israël, sans la présence,
ni l’accord préalable de la mère. Cette dernière ne s’opposait pas au fait que son fils suive une éducation juive.
Les juges ont considéré que la mère aurait dû être avertie en amont de l’initiative du père (Cour
d’appel, Nîmes, 2e chambre civile, section C, 20 Juin 2012 – n° 10/02716).
Dans cette même affaire, les juges d’appel sont allés plus loin, sur le fondement de l’ancien article
1382 du Code civil (désormais 1240) en retenant une faute civile du père qui n’avait ni averti, ni
sollicité l’accord de la mère pour la célébration de la bar-mitzvah de leur fils, manifestant en cela « un
mépris des positions de l’autre parent ». La somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en
réparation du préjudice moral a été allouée à la mère.
A défaut d’accord entre les parents, et après tentative, dans un premier temps, d’accord amiable ou
de médiation, le juge aux affaires familiales saisi, dans un second temps, tiendra compte, dans sa
décision, de deux éléments:

  • De l’accord antérieur du couple sur l’éducation religieuse des enfants ;
  • De l’intérêt supérieur des enfants,

La liberté religieuse des parents, dans ce contexte est secondaire.

Laurence Krief est avocate au Barreau de Paris, ainsi qu’au Barreau d’Israël en qualité d’avocat étranger. Elle est inscrite au Barreau de Paris depuis 1988 et au Barreau d’Israël depuis 2013. Diplômée de l’Université de Paris Nanterre et de la City University de New York en Droit des affaires. Elle est titulaire du
certificat de spécialisation en Droit Pénal (1994), d’un certificat de formation en droit collaboratif (2010) et d’un certificat de spécialisation en droit de la Famille, des Personnes et de leur Patrimoine (2016) et du diplôme de Médiateur (2016). Elle exerce en qualité de spécialiste en droit pénal, en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine. Depuis plus de dix ans, elle développe un exercice professionnel intégrant les modes alternatifs de résolutions des différends (MARD : Droit collaboratif, Procédure participative, Négociation raisonnée, médiation). Pendant une vingtaine d’années, elle enseigna le droit pénal et intervient sur des sujets transversaux Pénal-Famille lors de colloques en France, par exemple au sein de l’Ecole de Formation du Barreau, et à l’étranger lors de Campus internationaux. De 2019 à 2021, elle a été élue membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris, où elle a été notamment en charge du développement des MARD et du rayonnement du Barreau et de Paris, Place de Droit, à l’international et de la Commission Administrative. Jusqu’en 2013, Elle est élue du Conseil National des Barreaux.