Par Laurence Krief.

Les films «  Les rois de l’arnaque », «  l’arnaqueur de Tinder » ou les articles relatant «  l’arnaque au président  ou les FOVI ( les faux ordres de virements internationaux) ou tout autre fait d’escroquerie des plus extravagants (diamants, cryptomonnaie, encarts publicitaires etc…), projettent une réalité sublimée et édulcorée de la délinquance financière et économique, dont certains de ses acteurs résident en Israël et bénéficient de la double nationalité franco-israélienne.

Cette présentation est nocive à plusieurs titres.

Si pour certains, cette délinquance dite astucieuse est moins dangereuse que la délinquance terroriste, cette délinquance financière s’accompagne régulièrement de crimes de sang et de règlements de comptes criminels.

Ces infractions, par leur audace ou créativité et par l’enrichissement accéléré qu’elles génèrent, peuvent faire fantasmer certains, les plus crédules, notamment les plus jeunes.

Les auteurs de ces affaires liées à des scandales financiers ou d’escroquerie sont fréquemment des bi-nationaux, franco-israéliens et agissent soit d’un pays vers l’autre, soit à partir d’un pays, pour ensuite immigrer vers l’autre pays.

Ce constat peut contribuer d’une part à nourrir le fantasme antisémite « du juif et de l’argent » et  d’autre part, à ternir la perception que certains peuvent avoir d’Israël.

Or, Israël, avec sa loi du retour, n’est pas un pays refuge de délinquants.

Depuis avril 1999, Israël, qui est aussi signataire de la convention européenne d’extradition depuis septembre 1967, à l’instar de la France, signataire de cette même convention, depuis février 1986, a modifié sa loi sur l’extradition de 1954 et autorise désormais l’extradition de ses nationaux, à fortiori de ses bi-nationaux.

La France, en revanche, continue à ne pas extrader ses nationaux.

Depuis 2010, Israël est membre de l’OCDE et depuis 2018, membre du GAFI.

Israël doit, de ce fait, justifier, auprès de ces institutions dont elle est membre, en plus d’une politique économique, environnementale et sociale conforme aux modèles des pays occidentaux, de mesures prises pour lutter contre le blanchiment de capitaux.

Les relations entre la France et Israël, en matière de coopération judiciaire, qui avaient été tendues au moment de l’affaire Lee ZEITOUNI de 2011, relative à  un accident mortel, suivi d’un délit de fuite commis en Israël, par des ressortissants français, que la France avait refusé d’extrader, s’inscrivent désormais dans une collaboration efficace.

Dans un souci d’éducation et pour préserver sa réputation, Israël et sa police collaborent avec des unités étrangères, et notamment la France, sous la forme, soit de transmission d’information, soit d’exécution de commission rogatoire ou d’enquêtes, soit d’arrestations et d’extraditions.

Cette coopération judiciaire, compte tenu de l’appartenance de chacun des pays, à deux systèmes juridiques distincts est fastidieuse mais respectueuse du droit et des valeurs de chacun.

La procédure israélienne s’inspire du système juridique de la Common Law et la procédure française du système continental, codifié.

Les poursuites contre les faits de délinquance économique et financière commis en provenance d’ Israël à destination de victimes d’escroquerie en France, appellent, en raison du lieu de commission de l’infraction, même par voie électronique ou téléphonique, l’ouverture d’une procédure en France.

Si les fonds générés par ces infractions, après avoir transités dans d’autres pays non-signataires d’accords internationaux (ex INTERPOL ou EUROPOL) sont réinvestis en Israël, ces faits peuvent donner lieu à une enquête dite « en miroir » et en temps réel, en Israël.

Depuis 2006, en plus de la présence d’un policier référent auprès des ambassades respectives, en France et en Israël, pour suivre directement les dossiers ouverts traitant d’infractions commises entre les deux pays, un groupe de travail franco-israélien, en matière d’entraide pénale et d’extradition, a été constitué et collabore régulièrement.

Dès lors, le nombre de bi-nationaux résidents en Israël et extradés vers la France, au cours des dix dernières années, a considérablement augmenté.

L’arguments opposé par les avocats, à une demande d’extradition, formulée par la France, état requérant, à Israël, état requis, est l’absence de réciprocité avec la France, alors que la convention européenne d’extradition, en son article 1, prévoit cette réciprocité d’obligation d’extradition.

Cet argument est opposé en vain par les avocats : les juridictions israéliennes demeurent inflexibles et ordonnent l’extradition vers la France, dès lors que les conditions sont remplies.

Parmi les conditions requises, figurent les conditions suivantes :

  • L’existence d’un accord sur l’extradition entre les deux pays ;
  • L’infraction pour laquelle l’extradition est sollicitée doit être passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins une année dans les deux pays ;
  • L’existence d’un accord de réciprocité entre les deux pays.

Entre la France et Israël, cet accord existe bien, avec la convention européenne d’extradition précitée.

Une fois jugés et condamnés en France, rares sont les franco-israéliens extradés et jugés en France à solliciter d’exécuter leur peine en Israël.

Cette coopération judiciaire, qui n’est pas limitée à la répression des seules infractions économiques et financières, est étendue aux crimes sexuels ou de sang, impliquant des bi-nationaux.

Cette sévérité à l’égard des bi-nationaux, cet essor de la coopération judiciaire, par la transmission d’informations recueillies dans le cadre d’enquête ou ce concours prêté à des juges d’instruction français se déplaçant en Israël pour des interpellations ou des arrestations provisoires, témoignent d’une volonté d’exemplarité.

La loi du retour n’est pas un « outil » d’impunité. 

Laurence Krief, avocate, est inscrite au Barreau de Paris depuis 1988 et au Barreau d’Israël en qualité d’avocat étranger depuis 2013. Diplômée de l’Université de Paris Nanterre et de la City University de New York en Droit des affaires. Elle exerce en qualité de spécialiste en droit pénal, en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine. Depuis plus de dix ans, elle développe un exercice professionnel intégrant les modes alternatifs de résolutions des différends (MARD : Droit collaboratif, Procédure participative, Négociation raisonnée, médiation).
Pendant une vingtaine d’année, elle enseigna le droit pénal et intervient sur des sujets transversaux Pénal-Famille lors de colloques en France, par exemple au sein de l’Ecole de Formation du Barreau, et à l’étranger lors de Campus internationaux.
De 2019 à 2021, elle a été élue membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris, où elle a été notamment en charge du développement des MARD et du rayonnement du Barreau et de Paris, Place de Droit, à l’international et de la Commission Administrative.