Laurence Krief, avocate, inscrite au Barreau de Paris et au Barreau d’Israël en qualité d’avocat étranger, nous propose chaque mois d’analyser un sujet juridique lié à Israël. Ce mois-ci elle s’intéresse à la séparation de couples internationaux et à la médiation.
Se rencontrer lors d’études à l’étranger, se marier dans un pays, vivre dans un autre, acquérir des biens dans différents pays, vivre entre deux pays est dans l’air du temps et est favoriser, tant par les études que par la vie professionnelle et la numérisation de notre société.
Un couple international est un couple dont les membres possèdent différentes nationalités ou un couple qui a vécu dans des pays différents durant l’union et qui envisage de vivre dans deux pays différents.
Chaque membre du couple peut avoir à l’origine une nationalité différente et en cours de mariage,
acquérir une nationalité commune en plus. Tel est le cas des couples qui font leur Alyah.
Les séparations de couples dit internationaux génèrent des problématiques juridiques amplifiées : ces couples sont confrontés, en plus de la séparation géographique, au choix de la juridiction à saisir, aux droits applicables qui sont différents.
Chaque pays dispose de règles juridiques relatives aux conséquences de la séparation d’un couple et
la dualité des systèmes juridiques va entraîner un conflit de normes, qui va s’ajouter au conflit familial.
Israël dispose de plus d’un système juridique laïque et religieux : le Tribunal rabbinique peut être saisi à la requête d’une des parties, dès lors que les deux sont juifs et ont la nationalité israélienne, peu importe leur lieu de résidence.
Le conflit au sein du couple risque d’être exacerbé du fait de l’intérêt stratégique de saisir tel Etat plutôt qu’un autre, du litige et les décisions judiciaires prises dans un pays ne sont pas nécessairement reconnues dans un autre pays et réciproquement.
S’il peut être de l’intérêt d’un des membres du couple de saisir le juge de l’état de son lieu de résidence, chacun des membres habitant séparément dans deux pays distincts, un risque de contradiction entre les décisions rendues dans deux pays distincts est possible.
L’encombrement des juridictions rend de plus tardive toute réponse des juges aux questions posées
et la tardiveté de la réponse judiciaire peut être un vecteur de la cristallisation du conflit conjugal.
Le coût d’une procédure, avec des éléments internationaux, n’est pas négligeable (traductions, honoraires, délais etc… ).
Dès lors pour pallier à ce risque d’amplification du conflit lié tant au choix de la juridiction qu’au choix des normes applicables et à la lenteur de toute procédure judiciaire, il est une solution : La médiation internationale.
La médiation internationale a pour objectif de sauvegarder le couple parental au-delà des frontières et de la séparation conjugale, de maintenir une co-parentalité responsable, avec maintien des liens avec les enfants, en dépit des distances.
La médiation internationale permet la prise en compte de la dualité des cultures au sein du couple ainsi que la dualité des langues parlées.
La médiation suppose l’intervention d’un tiers, une personne formée et diplômée, un médiateur indépendant, neutre et impartial auprès des parties, appelées médiés.
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Même choisi par l’un des médiés, le médiateur demeure indépendant, autonome et n’est nullement acquis au membre du couple qui l’a choisi.
Si les membres du couple ou les médiés ont des nationalités différentes ou des lieux de vie dans deux
pays distincts, la médiation internationale, inter-culturelle, doit être gérée par un binôme de médiateurs, dits co-médiateurs.
Chaque médiateur doit connaître la nationalité d’une des deux parties et maîtriser parfaitement la langue du médié qui l’a choisi.
Les co-médiateurs définissent avec les médiés un calendrier de réunions à quatre, soit en visioconférence, soit en présentiel. D’expérience, les rendez-vous de médiation en présentiel sont plus efficaces.
Les co-médiateurs rappellent aux médiés les règles de la médiation : 10 grands principes régissent la médiation internationale.
Les médiés doivent signer, au début du processus, une convention de participation à la médiation, qui rappelle les règles de courtoisie, de respect, de participation volontaire et de confidentialité et énonce les conditions financières d’un tel processus, généralement facturé au temps passé, suivant un taux horaire forfaitaire que les co-médiateurs se répartissent égalitairement.
Lors des séances de médiation, les médiés évoquent la genèse du couple, le choix de famille, les lieux de vie, les déplacements: chacun prend la parole, en la présence des co-médiateurs, qui doivent veiller à respecter neutralité et impartialité et s’assurer de l’écoute et de la compréhension par chacun.
La présence d’au moins un médiateur parlant la langue maternelle de chacun des médiés permet l’évocation de faits intimes, favorise l’énoncé d’émotions et la compréhension des préoccupations et peurs sous-jacents à une séparation conjugale.
Tous les échanges sont confidentiels lors d’une médiation, sauf si les parties conviennent de lever la confidentialité sur des points d’accords.
La médiation permet aux médiés, outre l’énoncé de propos intimes et profonds, l’analyse de la cause
du dysfonctionnement conjugal et surtout permet la recherche commune d’une solution sur-mesure
et pérenne.
La recherche de solution n’est, dans ce processus, pas limitée aux normes juridiques de tel ou tel
pays.
Une approche pragmatique, indépendante des textes de lois, est possible dans ce cadre.
Un minimum de cinq séances est un pré-requis pour qu’un travail intéressant intervienne.
Les premières séances peuvent être fixées à des dates proches, dans l’un ou l’autre pays, toujours en
la présence des quatre intervenants.
Il peut être nécessaire parfois de marquer un temps de pause, après avoir listé les difficultés, puis de
revenir vers l’autre pour lister les diverses solutions possibles, afin de travailler à quatre, sur la
faisabilité des solutions.
Il peut arriver que le processus de médiation n’aboutisse pas à un accord global, mais ce travail a eu
le mérite d’être un vecteur de communication, auprès du couple parental.
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Si le processus de médiation aboutit à un accord, partiel ou global, l’accord est nécessairement mis en forme par des avocats ou notaires, pour être homologué par un juge, dans les quelques jours de sa réception par le Tribunal, pour avoir force exécutoire, c’est-à-dire, autorité d’un jugement entre les parties.
Outre l’économie de temps, de frais de justice et d’honoraires, la médiation internationale est un efficace outil de pacification des litiges familiaux transfrontaliers.