Par Laurence Krief.

Effectuer son service militaire dans un État exprime un sentiment d’appartenance nationale. Quand une personne a une double nationalité et que le sentiment d’appartenance est partagé entre deux pays, la question du lieu d’accomplissement du service militaire peut se poser.
Depuis la loi n°97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, « l’appel sous les drapeaux » pour tous les Français nés après le 31 décembre 1978 a été suspendu et le service militaire a été remplacé par une journée « d’appel de préparation à la défense » dite JAPD, qui a lieu entre la date du recensement obligatoire et le dix-huitième anniversaire de l’intéressé.
Depuis la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique, cette journée est appelée « Journée de défense et citoyenneté ».
Emmanuel Macron, qui avait proposé en 2017 de rétablir un service militaire obligatoire, de moindre intensité que celui qui existait auparavant, dans le but notamment de rétablir un sentiment d’appartenance nationale, semble avoir renoncé à ce projet, mais le service militaire en France sur la base du volontariat demeure possible.
En Israël, la situation est différente puisque le pays, en état de guerre, justifie de la nécessité d’un service militaire obligatoire.
Les dispositions relatives au service militaire national en Israël sont régies par la loi n°5746-1986 : le
service militaire est obligatoire pour tous les citoyens israéliens, hommes et femmes, même non-résidents, à l’exception des arabes israéliens et des juifs ultra-orthodoxes qui bénéficient soit d’une exemption en contrepartie de l’accomplissement d’un service civique, soit d’un aménagement.
Ce service militaire doit être effectué entre l’âge de 18 ans et 29 ans et la durée de ce service varie selon les missions attribuées, la vie personnelle des intéressés, mais en principe ce service est d’environ 36 mois pour les hommes et de 24 mois pour les femmes.
Comment co-existent et s’appliquent les dispositions précitées à l’égard des binationaux franco-israéliens ?
En principe, le binational est contraint, à défaut de convention internationale, d’effectuer son service
militaire obligatoire dans les deux États de sa nationalité.
Toutefois, existe entre la France et Israël, une convention bilatérale relative au service militaire des binationaux, qui date du 30 juin 1959 et dont le but est d’éviter ce double service militaire.
L’article 2-1° de cette Convention prévoit que « les doubles nationaux qui résident dans l’un ou l’autre
des États contractants sont tenus d’accomplir leur service militaire actif dans l’État où ils ont leur résidence permanente à l’âge de dix-huit ans ».
La résidence permanente au moment de la majorité est le critère déterminant du régime de service
militaire auquel devra se soumettre le binational.
Le franco-israélien résidant dans un pays tiers, c’est-à-dire ni en France, ni en Israël, a en revanche le
droit de choisir, le pays dans lequel il souhaite effectuer son service militaire, entre les deux pays dont
il dispose des nationalités.
Malgré la différence substantielle existant entre le service national en France et le service militaire en
Israël, la Convention est toujours en vigueur et n’a fait l’objet d’aucun amendement.

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Or, suivant diverses réponses ministérielles de parlementaires français, les autorités israéliennes
reconnaitraient la journée de défense et citoyenneté française comme équivalent au service national
israelien.
Une telle réponse est surprenante, tant il est notoire qu’un service militaire accomplit en Israel,
confronte le militaire à des situations de guerre réelle et demande une implication et une mobilisation
autre que celle d’une simple journée de défense et de citoyenneté française.
Dès lors, un franco-israélien, résidant de manière habituelle en France au moment de ses dix-huit ans,
pourra effectuer son service national, seulement en France, service qui se limite à la journée de
défense et de citoyenneté et ne sera pas contraint d’effectuer son service militaire en Israël.
Le fait pour un israelien, de résider à l’étranger, en l’occurrence la France, peut motiver une demande
de report ou d’exemption auprès du consulat d’Israël en France, en complétant un formulaire n°7202,
entre l’âge de 16 ans et demi et 19 ans et en justifiant d’une résidence permanente en France,
pendant les sept années qui précèdent la demande de report et d’une situation de famille.
À défaut de telles démarches, cette carence pourrait être qualifiée d’acte de refus d’effectuer un
service militaire obligatoire, refus pénalement sanctionné en Israel.
Bien que la Convention franco-israélienne de 1959 soit souple quant à la reconnaissance mutuelle du
service militaire, les binationaux franco-israéliens restent toujours susceptibles d’être mobilisés dans
l’un ou l’autre des deux pays.
L’article 5-2° prévoit que le binational qui décide d’établir sa résidence permanente ou séjourne d’une
façon habituelle, pendant deux ans au moins, sur le territoire de l’un des deux États contractants, est
soumis aux obligations militaires de sa classe de mobilisation, alors même qu’il aurait effectué ses
obligations, dans l’autre État.
En cas de mobilisation simultanée ou dans un des deux États seulement, chacun des États pourra
appeler sous les drapeaux, les binationaux visés par la Convention, indépendamment de leur lieu de
résidence et des forces armées dans lesquelles ils ont effectué leur service actif.
Cette souplesse quant au service militaire n’est pas exclusive d’un double engagement et d’une
double mobilisation possible, dans l’un ou l’autre des deux pays d’appartenance du binational, quel
que soit le lieu d’accomplissement de ce service.
Tout jeune binational doit avoir à l’esprit que le service militaire est un vecteur d’intégration : Une des
premières questions posées en Israel, lors de tout entretien, porte sur l’unité dans laquelle le service
militaire a éventuellement été accompli.
Lors de l’acquisition de la nationalité israélienne, les parents d’enfants encore mineurs, qui envisagent
de faire une vraie Alyah, doivent anticiper les conséquences d’un tel choix sur les obligations à venir des enfants à l’égard du service militaire.

Laurence Krief, avocate, est inscrite au Barreau de Paris depuis 1988 et au Barreau d’Israël en qualité d’avocat étranger depuis 2013. Diplômée de l’Université de Paris Nanterre et de la City University de New York en Droit des affaires. Elle exerce en qualité de spécialiste en droit pénal, en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine. Depuis plus de dix ans, elle développe un exercice professionnel intégrant les modes alternatifs de résolutions des différends (MARD : Droit collaboratif, Procédure participative, Négociation raisonnée, médiation).
Pendant une vingtaine d’année, elle enseigna le droit pénal et intervient sur des sujets transversaux Pénal-Famille lors de colloques en France, par exemple au sein de l’Ecole de Formation du Barreau, et à l’étranger lors de Campus internationaux.
De 2019 à 2021, elle a été élue membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris, où elle a été notamment en charge du développement des MARD et du rayonnement du Barreau et de Paris, Place de Droit, à l’international et de la Commission Administrative.

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