I – Mariage en France sous régime séparatiste et divorce en Israël.
Conformément à la loi israélienne, la loi applicable aux relations financières entre époux
demeure la loi du lieu de résidence de ces derniers au moment de la célébration du mariage.
Ainsi, pour les époux qui se sont mariés après 1992 et signé un contrat de séparation de biens
par-devant notaire avant union en France, la loi française sera appliquée par les Tribunaux
israéliens.
Par conséquent et dans le cas d’un couple marié sous le régime séparatiste, qui immigre en
Israël et souhaite demander le divorce en Israël – les époux pourront demander l’application de
la loi française par-devant les Tribunaux israéliens 3 . (Article 15 de la loi sur les régimes
matrimoniaux israélienne-1973)
Il est à noter que la loi française pourra être invoquée devant le JAF israélien (Juge aux
Affaires Familiales) dans son intégralité et prendra même en considération l’esprit
qui l’accompagne, incluant doctrines et notions jurisprudentielles 4 , conformément à la position
des Tribunaux français selon laquelle le régime séparatiste ne doit léser aucune partie lors de
l’application des principes généraux propres à chaque époux dans le cadre d’un divorce.
Cela impliquera nécessairement l’ouverture d’une procédure contentieuse près le Tribunal des
Affaires familiales en Israël, procédure pour laquelle le JAF israélien fera appel dans la majorité
des cas à un expert israélien en droit français, qui déposera auprès de la juridiction
compétente une expertise juridique visant à expliciter en hébreu les dispositions du Droit
français quant au cas d’espèce israélien 5 .
Le JAF examinera concomitamment la légalité du contrat de séparation de biens signé par les
époux en France en prenant en considération d’une part l’éventuelle volonté des époux de faire
valoir la loi israélienne en lieu et place dudit contrat lors de leur installation en Israël, et d’autre
part, les différents liens de rattachement restant avec la France durant le mariage et jusqu’à la
procédure de divorce (adresses fiscales, allocations, citoyennetés des époux, , scolarité des
enfants, allers-retours etc…) 6 .

2 Idem, Article 7
3 66/88 Tamar Decker c. Felix Decker, Mag (1) 122 (1989).
4 10621/05 M.I c. M.A, (JAF Jerusalem) (2007)
5 Article 88 du code de procédure civile israélien (2018)

En Israël, la loi prévoit que l’inscription d’un bien pour la copropriété des époux indique leur intention de partager les droits sur ledit bien entre eux à parts égales. En France en revanche, le régime de la réparation des biens distingue l’inscription du bien de son financement 7 . C’est-à-dire qu’au moment de la division de la propriété, il peut être prouvé que, malgré l’enregistrement conjoint du bien, si le financement de la propriété a été effectué par un seul des époux, ce dernier se trouve en droit d’exiger une compensation financière au moment de la dissolution du régime matrimonial.
Comme évoqué précédemment, la loi française est dans ce cas précis, appliquée par les Tribunaux israéliens, et ladite loi n’a pas occulté de souligner l’importance de la résidence familiale pour le couple en instance de divorce.
Il a été ainsi acté que l’estimation de la participation d’un conjoint au financement de cette résidence ne se fera pas forcément par l’examen des revenus du conjoint, mais également en prenant en considération sa participation à la gestion du ménage, sa contribution aux charges du mariage et à l’éducation des enfants durant ledit mariage.
Le conjoint qui prétend être la source principale de rémunération de la famille et notamment le seul à avoir financé le foyer, ne pourra donc pas solliciter automatiquement le remboursement de l’intégralité du financement de la résidence conjugale 8 Conformément à la loi française, l’époux dont le niveau de vie personnel est susceptible de diminuer du fait de la rupture du mariage aura le droit de réclamer une indemnité compensatoire calculée selon des critères déterminant l’écart de niveau de vie causé par le
divorce, par considération à la durée de mariage, leur âge et leur état de santé, leur formation et leur situation professionnelle, leur capital estimé et attendu, leur participation au foyer etc.. 9 .
Malgré l’absence de jurisprudence israélienne explicite en la matière, les Tribunaux israéliens reconnaissent la complexité et l’importance de telles compensations, ouvrant le champ à d’éventuels accords transactionnels à l’amiable entre les parties.
Comme énoncé précédemment, les juridictions israéliennes ordonnent la remise d’une expertise en Droit français, dont l’objectif est de donner un avis précis et actualisé quant aux droits des époux selon la législation française et qui sera appliqué dans son ensemble concernant le volet patrimonial, afin d’envisager une juste répartition.
En amont de l’intégration de ces problématiques par lesdites juridictions, prendre attache auprès d’un Cabinet d’avocats spécialisé aussi bien en droit français qu’israélien dans le domaine civil et familial en Israël est fortement recommandé.

6 62045-06-16 B. c. D.S. (JAF de Tel-Aviv Yafo) (2016)
7 Article 1543 du Code civil
8 Cour de Cassation le 12 juin 2013 n° 11-26748
9 Idem, Articles 270-271

II – Mariage en France sans contrat de mariage et rédaction de contrat en Israël.
Dans un tel cas, le contrat sera rédigé selon la loi israélienne car l’article 15 précédemment mentionnée ne s’applique qu’aux époux ayant déjà conclu un contrat dans leur pays de première résidence.
La forme :
Étant rédigé pendant le mariage, les époux devront signer ledit contrat par-devant notaire et par la suite lui conférer force exécutoire par le JAF ou le Tribunal rabbinique du lieu de leur résidence.
Sans la validation des 2 étapes susmentionnées, le contrat n’aura aucune valeur juridique.

Le fond :
Contrairement aux dispositions du droit français en matière de régimes matrimoniaux et le choix à disposition des époux, le droit anglo-saxon dont puise sa source le droit israélien, offre une liberté quasi totale (atteinte à l’ordre public exclue) aux époux que ce soit pour les charges du mariage ou la répartition des biens passés ou futurs et ce qu’importe leur nature. (Article 1 de la loi sur les régimes matrimoniaux israélienne-1974)
De plus, le principe de prestation compensatoire ne trouve aucun écho en droit israélien lequel se détache donc de manière drastique du droit français et ne propose aucune mesure de protection au conjoint lésé par le régime séparatiste lors du divorce.

III – Mariage en France sans contrat – Divorce en Israël.
La loi applicable aux relations financières entre les époux, dans un tel cas, sera également la
loi israélienne et ce conformément à la législation sur les régimes matrimoniaux de 1974.
Cette dernière prévoit qu’en l’absence de contrat entre les époux, leurs relations financières
seront régies comme suit :
Le régime est unique et se nomme : Equilibre des ressources
Il s’apparente au régime de communauté français, dans lequel les époux se partageraient de
manière équitable l’ensemble des biens acquis/obtenus pendant le mariage, à l’exclusion des
successions dont auraient pu bénéficier l’un des conjoints.
Un élément important est à préciser dans ce régime, en effet la propriété d’un époux sur les
biens de l’autre ne donne pas lieu à s’appliquer pendant la durée du mariage et sera ordonnée
par le JAF lors du partage.

Partant, si l’un des époux contracte une dette et que son conjoint dispose d’un bien enregistré
uniquement à son nom, lequel pourrait couvrir le montant de la dette de l’autre époux, le
créancier ne pourra pas prétendre à recouvrir la part potentielle du conjoint dans le bien de son
époux par leurs seuls liens matrimoniaux et ce même si l’acquisition dudit bien par le conjoint
non débiteur a été effectuée pendant le mariage.
A noter, que le régime susmentionné ne s’applique qu’aux couples mariés à compter de
l’entrée en vigueur de la loi sur les régimes matrimoniaux en 1974. 10
Avant cette date le régime applicable en Israël tire son origine de la jurisprudence dénommée :

Présomption de partage.
Ce régime prévoit un partage des biens des époux pendant la durée du mariage, la différence
la plus probante avec celui dit « équilibre des ressources » est l’exemple en lien à l’époux
ayant contracté une dette 11 .
Dans ce cas d’espèce le créancier pourra demander le remboursement de sa dette via le bien
de l’époux non débiteur car selon ce régime, les biens des époux sont réputés appartenir pour
moitié à chacun d’eux et ce pendant l’entièreté de la période du mariage.

IV – Critères de rattachement et application de la loi française en Israël :
Pour rappel la Convention dite universelle de La Haye a été établie le 14 mars 1978 en vue de
déterminer la loi applicable aux régimes matrimoniaux.
Bien qu’Israël n’ait pas ratifié ladite Convention, le caractère universel conféré à cette dernière
permet son application quel que soit le pays concerné.
La Convention de la Haye impose des rattachements objectifs.
Trois possibilités successives :

  1. Solution de principe : la première résidence habituelle commune
  2. Exception : la loi de la nationalité commune.
  3. Par défaut : la loi des liens les plus étroits.

10 640/82 Cohen v. conseiller juridique de l’État.
11 CA 1915/91 Jacoby and Knobler v. Jacoby and Knobler, PD Mat (3) 529

La Convention trouve lieu à s’appliquer même si la nationalité ou la résidence habituelle des
époux ne sont pas celles d’un Etat contractant.
Aussi, aux termes des dispositions de l’article 3 de ladite Convention, il est énoncé que :
« Le régime matrimonial est soumis à la loi interne désignée par les époux avant le mariage »
Dans le cas d’un régime séparatiste, le droit français prévoit notamment aux termes des
dispositions de l’article 270 du Code Civil, la possibilité de solliciter une prestation
compensatoire.

V- Précisions sur la prestation compensatoire :
La prestation compensatoire est une indemnité financière qui permet à compenser la différence
de niveau de vie causée par le divorce. Cette indemnité est due en toute circonstance et sous
tous régimes matrimoniaux, incluant celui de la séparation de biens.
Il est important de préciser que les époux peuvent négocier le montant de cette indemnité à
l’amiable.
Ladite indemnité ne vise pas à rétablir une égalité financière entre les époux, mais bien à
compenser une trop forte disparité de niveaux de vie causée par la rupture.
Aujourd’hui, cette indemnité peut être versée même lorsque les deux conjoints travaillent… à
condition toutefois que la fin du mariage engendre un réel écart de niveau de vie entre eux.
La prestation compensatoire ne dépend pas seulement des revenus des époux. Elle se base
sur des critères très variés, qui dépendent de la situation de chaque couple. Ainsi, sont pris en
compte les droits à la retraite de chacun, les charges (comme le remboursement d’un prêt),
mais également les sacrifices professionnels qui ont pu être consentis, par exemple pour
permettre l’éducation des enfants ou encore la durée du mariage.

NB : Cet article est donné à titre indicatif, en ce sens les conseils fournis
par le cabinet Abitbol & Associés dans le cadre de cette newsletter ne
sauraient constituer une consultation juridique.
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