LE VILLAGE DE JEUNES RAMAT HADASSAH EST UN PROGRAMME PHARE DU KEREN HAYESSOD. SITUÉ À KIRIAT TIVON PRÈS DE HAÏFA, IL AVAIT ÉTÉ CRÉÉ À L’ORIGINE AVEC 3 AUTRES VILLAGES, PAR L’AGENCE JUIVE, POUR ACCUEILLIR LES ENFANTS ORPHELINS DE L’ALLEMAGNE NAZIE. CE COCON DESTINÉ À RÉPARER LES BLESSURES D’UNE JEUNESSE EN MARGE EST DIRIGÉ PAR MORAN BETSER TAYAR. FOCUS SUR CETTE INSTITUTION PASSIONNANTE ET NÉCESSAIRE.
Propos recueillis par Caroll Azoulay.
Pouvez-vous nous présenter « Ramat Hadassah » ?
MORAN BETSER TAYAR : Nous accueillons 260 jeunes âgés de 12 à 20 ans. Ce sont des jeunes dits « à risques » qui portent en eux des histoires familiales compliquées. Sans parents, ou issus de familles monoparentales socio-économiquement faibles, 25 % sont d’origine éthiopienne, 40% d’origine russe, 10% d’origine arabe. Sur le plan ethnique, on peut dire que tout Israël est représenté dans notre village ! Ramat Hadassah se distingue par son environnement qui est une partie intégrante de la thérapie permettant à ces jeunes de s’épanouir. 160 hectares d’espaces boisés et de jardins offrent l’espace de liberté et de sérénité dont ils ont besoin.
Quels types de problèmes présentent les jeunes dont vous vous occupez ?
Les jeunes qui arrivent ici ont perdu toute confiance dans le système en général, en raison des graves traumatismes qu’ils ont subis. Notre village doit donc leur apporter une réponse thérapeutique globale qui se manifeste à chaque instant de leur vie ici. Encadrement, études, environnement… Tout concourt à redonner aux jeunes l’espoir, l’enthousiasme et la confiance nécessaires à leur développement. L’ensemble des jeunes présentent un retard de 4 à 6 ans par rapport à leur groupe d’âge habituel. Par exemple, les enfants de 12 ans que nous accueillons ne savent pas lire ou écrire correctement même s’ils sont allés à l’école jusque-là. Pour combler ces lacunes, dues à un environnement social, affectif et économique défaillant, nous devons leur apprendre à s’autoriser à rêver, afin d’atteindre des objectifs. Malheureusement, la plupart de ces enfants ne rêvent plus. Ils n’ont jamais eu accès à des activités extrascolaires, car sans cesse occupés à survivre dans un environnement hostile. La stabilité émotionnelle et matérielle offerte par le village ainsi que les nombreuses activités culturelles et éducatives les reconstruisent peu à peu. Nous sommes aussi convaincus qu’il faut donner les meilleurs outils aux enfants, afin que le regard qu’ils portent sur eux-mêmes change et qu’ils puissent se considérer comme les autres jeunes. Qu’il s’agisse de leurs chambres, de leurs vélos, des chevaux dont ils s’occupent ou encore des vêtements que nous leur fournissons, nous voulons le meilleur pour eux, et nous y parvenons notamment grâce aux donateurs du Keren Hayessod qui comprennent parfaitement notre philosophie.
Parvenez-vous à des résultats ?
Plus de 92 % de nos jeunes servent dans l’armée ! Un véritable exploit quand on sait qu’ils ne croyaient plus en la société. Nous enregistrons également plus de 80 % de réussite au Baccalauréat alors que la moyenne dans les institutions équivalentes est de 30 %. Ces chiffres nous comblent de joie et de fierté.
Parvenez-vous à établir des liens entre les jeunes de Ramat Hadassah et les jeunes de la localité de Kiriat Tivon ?
Absolument. Faire en sorte qu’ils se sentent des jeunes comme les autres fait partie de notre principal objectif c’est la raison pour laquelle nos avons mis en place des collaborations avec la municipalité. Nous organisons par exemple des portes ouvertes qui nous permettent de présenter aux habitants de Kiriat Tivon les productions locales de Ramat Hadassah (produits cosmétiques). L’argent récolté est réuni dans une caisse commune et sert d’argent de poche pour les jeunes. Ils participent également à des programmes de volontariat mais il ne faut toutefois pas se voiler la face, nos jeunes sont des jeunes à risques avec des problèmes spécifiques qui freinent une totale intégration. Les jeunes peuvent-ils retourner au village après l’armée ? Ce village reste leur maison. Ce n’est pas juste un slogan. C’est la raison que nous avons une équipe dédiée aux résidents à partir de 18 ans et composée de mentors, assistantes sociales, éducateurs afin de les accompagner dans leur vie d’adulte. Armée, travail, étude… l’équipe tente de leur donner les meilleurs conseils et outils pour réussir. Nous avons aussi une maison qui peut accueillir les jeunes soldats pendant les week-ends.
Quelles relations les jeunes conservent-ils avec leur famille d’origine ?
Nous sommes convaincus que la conservation du lien familial, quels que soient les problèmes et blessures, est essentielle. Et nous faisons tout pour encourager ces liens. Cependant, certains de nos enfants ne sont pas autorisés à retourner à la maison, parfois pour quelques semaines, parfois pour l’année entière. Dans ce dernier cas, nous trouvons des familles d’accueil qui reçoivent ces jeunes pendant le shabbat et les fêtes par exemple, afin qu’ils se sentent comme tout le monde. Une notion essentielle pour cette jeunesse dans la marge.