Visite dans la Maison du Palmach à Ramat Aviv, le jour de Yom Hazikaron. Un poème de Natan Alterman consacré à l’Alya Beth, l’immigration illégale. A côté, filmé de trois quarts, un combattant guette, fusil à la main, visage fermé, yeux cachés dans l’ombre du chapeau, extraordinaire détermination dans les pommettes et la mâchoire. Sur son avant bras des chiffres sont tatoués: l’homme a été à Auschwitz. On avait voulu le réduire à un numéro et la photo crie la revanche silencieuse de celui qui peut désormais agir sur son destin. Et pourtant, l’homme n’a toujours pas de nom. Les survivants de la Shoah n’étaient pas considérés avec beaucoup de respect par les Palmakhniks imbus de l’idée de la gevoura sioniste, ce qui explique peut-être cet anonymat : peut-être d’ailleurs, venait-il d’arriver et savait-il à peine manier l’arme qu’il déploie avant tant d’énergie sur la photo. Il a probablement été tué dans cette guerre. En tout cas, son visage me marquera à jamais.
On célèbre Yom Haatzmaout partout dans le monde juif : à Tel Aviv, musique, ruée sur les plages, fêtes familiales. Les cérémonies officielles et la parade militaire, aussi impressionnantes et émouvantes soient-elles, comptent moins que la participation populaire, car celle-ci fait sens : chacun sait bien ce qui a permis le barbecue où il invite ses amis. Quel contraste avec le 8 Mai en France où la déconnexion est complète entre l’événement originaire et son poids émotionnel aujourd’hui !

Yom Hazikaron, le jour du souvenir des victimes, marque Israël encore plus. A 11h du matin, la sirène fige le pays pendant deux longues minutes. Dans des milliers de cérémonies soigneusement organisées, on honore les 23471 militaires et les 3150 victimes civiles du conflit israélo-arabe (56 soldats, 13 victimes civiles se sont ajoutés depuis l’an dernier). A Hadassah Neurim, près de Nazareth, le remarquable village de jeunes en détresse soutenu par l’Agence juive et le Keren Hayessod, des adolescents originaires d’Ethiopie et de l’ex URSS chantent les chants israéliens qui disent l’amour du pays et la douleur de l’absence, leurs professeurs expriment avec passion les valeurs qui font l’honneur du peuple juif. Dans le lycée de mes petits enfants, ce sont les 46 anciens élèves tués, avec leurs sourires, leurs goûts et leurs espoirs, dont les histoires ont été lues devant deux mille personnes, élèves actuels et parents. Ces enfants auraient pu avoir été les leurs et les leurs risquaient de faire plus tard partie de ce groupe, mais Israël n’a pas été  « livré sur un plat d’argent » (autre poème d’Alterman).

Mais plus encore que Yom Haatzmaout ou Yom Hazikaron, c’est leur transition brutale qui révèle l’ethos israélien. Aucune schizophrénie. Etre sérieusement à ce qu’on est, deuil ou fête, vivre l’un comme l’autre, l’un après l’autre, réagir à une situation changeante de la façon la plus appropriée. Peut-être une clé d’explication d’une efficacité scientifique, technologique ou militaire exceptionnelle.

Lorsque les roquettes tombaient sur le Sud, le reste du pays poursuivait son activité. Pas par indifférence, mais parce que, l’objectif de l’ennemi étant de désarticuler la vie quotidienne, il fallait lui montrer l’inverse. Les conséquences sur de jeunes enfants de ces journées d’angoisse peuvent être désastreuses et la colère est grande contre les dirigeants du Hamas, du Djihad et leurs commanditaires iraniens, responsables de cette flambée de violence. La colère est grande aussi à voir comment les medias et chancelleries européennes et singulièrement française, ont déformé la vérité à la suite de ces attaques. Mais cela est une autre histoire, une trop longue histoire……

Dr Richard Prasquier

Président du Keren Hayessod France

Article paru dans Actualité Juive

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