Mercredi dernier, avant le résultat du scrutin, j’avais envisagé l’idée a priori grotesque que Benjamin Netanyahu puisse dépendre  du parti Raam pour constituer sa majorité législative. Il fallait pour cela que ce parti entre à la Knesset. C’est fait. Avec quatre députés, son chef, un dentiste arabe, Mansour Abbas, est peut-être devenu le « faiseur de rois » de l’élection législative 2021. Car, s’il reçoit l’apport  des 7 voix de Bennet, Bibi devra encore trouver deux voix pour parvenir au fatidique décompte de 61 députés. Il est possible que certains enfreignent la consigne partisane de non participation  à un gouvernement Netanyahu, mais la présence dans ce gouvernement d’un parti islamiste avec une majorité Likud est tout à fait possible. Bien entendu l’opposition a entrepris également des négociations avec le Raam, mais l’attelage réalisé serait à peu près aussi  disparate. Sur quelles bases pourraient fonctionner ces improbables alliances ? L’une est évidente, c’est celle des promesses sociales. Le Raam, c’est avant tout le parti des Bédouins du Negev. Il y a 200 000 bédouins en Israël, une population très conservatrice en croissance démographique  forte, mais dont la sédentarisation inéluctable pose ici comme ailleurs de grandes difficultés. Les questions de pauvreté, de criminalité, de sous éducation et d’habitation sont majeures et peuvent être l’objet d’avancées aussi bien de la part du Likud que de ses adversaires. Il y a paradoxalement aussi des convergences entre les  ultra-orthodoxes  du Shas ou de Yahadut Hatorah  et le Raam sur le soutien à l’éducation religieuse. Leur rejet de l’homosexualité est aussi violent. Enfin, n’oublions pas qu’ il y a dans l’armée israélienne probablement plus de bédouins que de haredim. Cependant si Raam partage avec les ultra orthodoxes le fait de ne pas être sioniste, l’antisionisme des Frères Musulmans qui ont un agenda politique est évidemment plus inquiétant que l’antisionisme des ultra-orthodoxes. Israël est cependant un pays où quelques députés fréristes « soft » ne risquent pas d’entamer le consensus idéologique national. Bien sûr, le parti sioniste religieux, dans lequel il y a des racistes déplorables, ne veut pas voir d’arabes dans la coalition. Mais Benjamin Netanyahu, dont les commentaires envers la population arabe d’Israël ont été souvent dans le passé empreints de mépris, sait être pragmatique quand il le faut. Les élections ont tourné autour de la personnalité de Bibi et les programmes sociaux ont pour la plupart des partis été  absents de la campagne. Pourtant chacun sait que les disparités socio-économiques en Israël sont considérables. Les bédouins représentent la partie la plus pauvre de la population et l’une des plus jeunes, ce qui en fait des vecteurs privilégiés de délinquance ou de radicalisation. Le Raam (HaReshima HaAravit HaMe’uhedet) faisait partie de la liste arabe unifiée qui avait obtenu le score considérable de quinze députés lors des élections de mars 2020, mais qui était restée complètement inefficace. Mansour Abbas a fait le pari d’un rapprochement avec Netanyahu parce que comme chef du gouvernement c’est lui qui avait le pouvoir de déplacer les priorités. A la surprise générale, il a gagné ce pari, alors que la liste arabe unifiée s’effondrait en n’obtenant que six sièges. Ce qui veut dire que dans la population arabe les considérations socio-économiques deviennent de plus en plus importantes par rapport aux idéologies politiques . Les accords entre Israël et différents états musulmans sunnites ont aussi une traduction interne. La haine  des arabes envers l’Etat d’Israël ne semble plus être une fatalité. On ne peut que s’en réjouir.

Dr Richard Prasquier

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.