Chronique diffusée sur Radio J :

Je ne crie pas à l’antisémitisme quand je ne suis pas sûr qu’il
soit en cause et je n’ai pas d’argument pour penser qu’il y a de
l’antisémitisme dans le catastrophique arrêt de la Chambre
Criminelle de la Cour de Cassation. Un rassemblement est
prévu dimanche prochain. Pourvu que les Juifs ne s’y trouvent
pas seuls car c’est la cohésion de la nation tout entière que
l’impunité du meurtrier de Sara Halimi met à mal.
Cet arrêt clôt le dossier et une saisine de la CEDH serait vouée
à l’échec. On ne juge pas les fous, même si en 2013 l’illuminé
Stéphane Moitoiret qui avait assassiné un enfant fut condamné
à 30 ans de réclusion quand la majorité des psychiatres
déclaraient son discernement aboli. Il était aussi pris de folie,
cet homme qui sous l’emprise de la drogue jeta son chien du 3e
étage et fut condamné à 2 ans de prison ferme. Modifier la
législation, le Président de la République l’a dit ; ses
commentaires sur le meurtre de Sarah Halimi ont été mal
perçus par une partie du monde judiciaire, chatouilleuse de son
indépendance et désireuse d’écarter les psychopathes de la
prison.
Mais alors que le meurtrier de Sébastien Sellam était
schizophrène, Kobili Traoré ne l’est pas. Le Dr Bensussan qui
avait posé ce diagnostic a admis à la barre s’être trompé, mais
ses paroles n’ont curieusement pas été enregistrées. Le préfet
devra donc lever son hospitalisation sous contrainte et Traoré
redeviendra le petit dealer qu’il a toujours été. Son palmarès de
22 condamnations va s’étoffer. On espère qu’il n’aura pas
d’autre bouffée délirante aiguë, avec sa dangerosité reconnue
s’il continue une consommation de cannabis qu’il n’a jamais
envisagé d’arrêter.
Le discernement était-il aboli ou altéré au moment de l’acte ?
Altéré, avait dit le Dr Zagury, ce qui permettait un procès. La
juge d’instruction non satisfaite a spontanément, ce qui est très
rare, demandé une autre expertise, laquelle a conclu, à tort

donc, à l’abolition par délire schizophrénique. Une troisième
expertise a considéré que la bouffée délirante n’était due qu’au
cannabis mais concluait à l’abolition, avec cependant beaucoup
de circonlocutions. Mais ce ne sont pas les experts qui
décident, c’est la Chambre d’instruction et la Cour de Cassation
entérine systématiquement cette décision, ce qu’elle n’est pas
obligée de faire. Ici, elle a innové : en déclarant qu’une
personne dont l’abolition du discernement est due à la prise de
stupéfiants reste pénalement irresponsable, elle risque de
susciter des initiatives déplorables.
Les nuances laissent songeur : est-il totalement aboli, le
discernement de celui qui enjambe de nuit la rambarde d’un
balcon, reconnait une ménorah, se rappelle que les Juifs sont
des ennemis et proclame que sa victime s’est suicidée ?
Discernement est un concept flou, la conscience est un monde
intérieur fragmenté et on peut s’interroger sur la notion de libre
arbitre. La brutale bouffée délirante aiguë, qu’elle soit exogène
ou liée à une psychose est bien un bouleversement du
discernement. Mais n’en est-il pas de même de l’individu qui,
sous l’emprise d’un gourou ou d’une culture avec une grille de
valeurs différente de la nôtre, commet des actes qui nous
paraissent intolérables, comme tuer une sœur qui a déshonoré
la famille, un handicapé mental ou un Juif comme déchets
humains ou raciaux, un voisin qui l’aurait marabouté ou un
koufar au nom du prophète…
Pourquoi ne plaiderait-on pas ici irresponsabilité par abolition
du discernement ?  Vertigineux, n’est-ce pas ?  
Mais c’est le risque, à préférer la pureté juridique à la charge
émotionnelle d’un crime abominable. Les juges de la Chambre
de l’Instruction ne sont pas des médecins. Alors en cas de
doute, pourquoi pas un jury populaire ?


Richard Prasquier – Président d’honneur du Keren Hayessod France

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