La religion, perçue comme un vecteur d’union des membres d’un couple, peut aussi être une cause de rupture.
Les membres d’un couple, d’une même confession ou de confessions différentes, peuvent évoluer différemment et les rapports à la religion, sa pratique ou ses rites, qui n’étaient initialement pas source
de désaccord, peuvent évoluer et être cause de différends.
Au sein de la communauté juive, il peut arriver qu’un des membres du couple ou d’une famille, fasse «  techouvah » et souhaite retourner vers la pratique d’une foi et le respect de davantage de « mitzvot ».
L’évolution d’une pratique religieuse peut-elle devenir un motif de divorce pour faute?
Durant la vie du couple, chacun peut évoluer différemment et notamment décider d’adhérer à une nouvelle religion ou alors simplement, de pratiquer plus rigoureusement qu’auparavant, sa religion ou
au contraire, s’en détacher.
Chacun des époux est, en principe, libre de choisir sa religion et de la pratiquer comme il l’entend : la liberté de culte est le principe, même au sein d’un couple.
L’appartenance ou l’adhésion à une religion ne peut pas constituer un motif de divorce pour faute au
sens de l’article 242 du Code civil.
La jurisprudence est ferme à cet égard car toutes les religions, y compris celles apparaissant comme minoritaires ou sectaires doivent être respectées, dès lors que « une telle adhésion n’entraîne pas de
répercussions concrètement dommageables sur la vie familiale ».
A contrario, s’opposer à la pratique religieuse de son conjoint constitue une faute justifiant le prononcé
du divorce (Cass, 2 e civ, 24 janvier 1962).
Lorsque la pratique religieuse de l’un des conjoints est devenue excessive, voire intégriste et que
cette pratique a des répercussions sur la vie conjugale du couple, le juge aux affaires familiales saisi
devra apprécier les effets néfastes de cette pratique sur le couple, pour en déduire un motif de divorce
pour faute.
S’agissant d’une pratique intégriste, il peut s’agir du fait de refuser pour un conjoint de participer à des
fêtes de famille, notamment aux anniversaires des enfants, ou encore d’imposer une tenue
vestimentaire ou un mode de vie particulier à son conjoint.
Au-delà de l’intégrisme, une pratique perçue comme excessive ou intrusive de la religion peut être
constitutive d’une faute.
La jurisprudence a reconnu comme effets néfastes découlant d’une pratique excessive, par l’un des
conjoints, d’une religion, la création d’une « atmosphère pesante de contrainte et de soumission
permanente qui ne pouvait que nuire aux intérêts de son épouse et perturber la vie quotidienne de la
famille » (Cass, 1 ère civ, 19 Juin 2007 – n° 05-18.735)
Le juge retiendra une faute, dès lors qu’est justifiée et prouvée une évolution dans la pratique de la
religion du conjoint.
En revanche, la poursuite d’une pratique religieuse rigoriste, qui existait déjà lors du mariage, ne peut
être jugée fautive.

La jurisprudence a considéré qu’un époux, ayant rencontré son épouse au cours d’un pèlerinage
chrétien et qui avait connaissance de l’importance de la religion pour cette dernière, ne pouvait
ensuite reprocher, dix ans plus tard, cette pratique aux motifs qu’il la jugeait désormais excessive (CA
Dijon, 6 Juillet 2012 – n° 11/01842).
En conclusion, ce n’est pas la pratique religieuse en soi, qui est constitutive d’une faute, mais le
comportement du conjoint auquel est reprochée cette pratique, dès lors que cette pratique a des
impacts sur l’autre membre du couple.
Une épouse nouvellement obligée par son mari à des contraintes religieuses, telles que le port de la
perruque, les bains rituels ou le respect du shabbat, pourrait introduite une demande en divorce sur le
fondement de la faute.
Par un arrêt (CA AIX EN PROVENCE du 21 /01/1997 jurisdata n°1997-040044), un divorce pour
faute a été prononcé, non pas sur le fondement de l’intégrisme de l’époux musulman, mais « en ce
que l’exercice de pratiques contraignantes pour une femme sur le territoire français se traduisant par
l’obligation de porter le voile et l’interdiction de travailler ou de sortir de la maison, constituent un
comportement anormal et une violation grave et renouvelée des obligations et devoirs du mariage
rendant intolérable le maintien de la vie commune… »
Les éléments de preuve de ces contraintes imposées par l’un des conjoints sur l’autre et leur impacts
sur la vie du couple et de la famille devront être réunis, pour venir au soutien de la démonstration que
le maintien du lien conjugal n’est plus possible en raison d’un comportement constitutif d’une faute.
Les preuves par témoignage doivent émanées de témoins directs des faits allégués et depuis un arrêt
récent, il peut être possible, d’enregistrer des vidéos ou des paroles à l’insu de l’autre et de les
produire dans le cadre d’une procédure civile. (CA AIX EN PROVENCE Chbre 2-3, du 22/02/22 n°21-
12145).

Laurence KRIEF

Laurence Krief est avocate au Barreau de Paris, ainsi qu’au Barreau d’Israël en qualité d’avocat étranger. Elle est inscrite au Barreau de Paris depuis 1988 et au Barreau d’Israël depuis 2013. Diplômée de l’Université de Paris Nanterre et de la City University de New York en Droit des affaires. Elle est titulaire du
certificat de spécialisation en Droit Pénal (1994), d’un certificat de formation en droit collaboratif (2010) et d’un certificat de spécialisation en droit de la Famille, des Personnes et de leur Patrimoine (2016) et du diplôme de Médiateur (2016). Elle exerce en qualité de spécialiste en droit pénal, en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine. Depuis plus de dix ans, elle développe un exercice professionnel intégrant les modes alternatifs de résolutions des différends (MARD : Droit collaboratif, Procédure participative, Négociation raisonnée, médiation). Pendant une vingtaine d’année, elle enseigna le droit pénal et intervient sur des sujets transversaux Pénal-Famille lors de colloques en France, par exemple au sein de l’Ecole de Formation du Barreau, et à l’étranger lors de Campus internationaux. De 2019 à 2021, elle a été élue membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris, où elle a été notamment en charge du développement des MARD et du rayonnement du Barreau et de Paris, Place de Droit, à l’international et de la Commission Administrative. Elle est actuellement membre du Conseil National des Barreaux.