Les successions entre la France et Israël

Article rédigé par le Cabinet Abitbol Associés – Jérusalem. 

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Mise en pratique du règlement d’une succession transfrontalière – cas d’espèce France / Israël

Dès lors qu’une succession transfrontalière est mise en règlement auprès d’un notaire français, il sera d’une nécessité impérieuse de parfaitement maitriser l’articulation de chacune des législations lesquelles vont souvent s’appliquer de manière complémentaire.

Généralement dans ce type de dossier, 2 problématiques majeures vont être mises en exergue par le Professionnel, à savoir :

  • Quel est le droit successoral applicable au règlement de ladite succession allant permettre de désigner les héritiers ainsi que, par voie de conséquence, les modalités de partage de l’actif successoral – Droit applicable à la détermination de la dévolution successorale.
  • Détermination de la fiscalité applicable dès lors que par considération au droit applicable à la désignation des héritiers, le partage des biens aura été déterminé – Fiscalité applicable à l’opération de partage.
  1. Dévolution successorale – Droit applicable 

L’objectif est ici de parfaitement assimiler que l’analyse du droit applicable nous permettra de déterminer quels sont les héritiers et sous quelle proportion il conviendra de prévoir les parts successorales de chaque ayant droit.

A ce titre il convient de rappeler l’absence de réserve héréditaire en droit israélien et de ce fait s’il s’avère que le droit israélien est applicable, il sera tout à fait possible de déshériter intégralement un héritier sur les biens mondiaux, dont français, et ce sans contradiction avec la réserve héréditaire prévue par le droit français qui ne sera applicable en l’occurrence – arrêt Kahana 598/85 (1)

A) Règles de conflits de loi et de compétence telles que définies par le droit international – règlement UE

  • Le critère de la résidence habituelle

La loi applicable est celle de la dernière résidence habituelle du défunt et cela s’applique pour l’ensemble des biens. Ce critère déterminera la loi applicable à l’ensemble des opérations successorales. En consacrant le principe de l’unité de la loi successorale et la possibilité pour le de cujus de choisir la loi applicable à sa succession, ce règlement met fin au régime scissionniste soumettant les successions mobilières à la loi du dernier domicile du défunt et les successions immobilières à la loi de situation des immeubles. Du fait du caractère universel du règlement, la loi applicable peut être celle d’un État partie au règlement (un des 25 Etats de l’Union européenne) ou d’un Etat tiers.

Toutefois le paragraphe 2 de l’article 21 introduit un tempérament à l’application de la loi de la dernière résidence habituelle, en permettant « à titre exceptionnel » l’application de la loi de l’Etat avec lequel le défunt présentait des liens « manifestement » plus étroits lors de son décès, eu égard à « l’ensemble des circonstances de la cause ». La mise en œuvre de cette clause d’exception se trouve ainsi soumise à des conditions particulièrement restrictives. Le cas visé est notamment celui du de cujus s’étant établi dans un Etat peu de temps avant son décès, alors que toutes les circonstances de la cause indiquent qu’il entretenait manifestement des liens plus étroits avec un autre Etat. 

Selon les commentaires des auteurs Andrea BONOMI et Patrick WAUTELET, dans leur livre, « Le droit européen des successions »(2), la clause d’exception est applicable au cas où le décès surviendrait alors qu’un transfert de la résidence habituelle est déjà programmé mais pas encore réalisé, à condition que des liens manifestement plus étroits existent d’ores et déjà avec l’Etat de la future résidence habituelle.

Exemples: 

Une ressortissante italienne qui vit et réside aux Pays-Bas planifie de rejoindre son conjoint, lui aussi de nationalité italienne, qui réside depuis toujours en Italie.  Pour ce faire elle a déjà conclu un contrat de travail avec une entreprise et prévoyait une entrée en fonction dans 2 mois. Elle a également acheté un appartement en Italie avec l’intention d’y emménager au moment de son entrée en fonction. Ce projet ne peut pas se réaliser en raison d’un accident de voiture qui cause son décès soudain. Dans ce cas, la résidence habituelle n’avait pas encore été transférée, on pourrait néanmoins considérer que, compte tenu des circonstances, des liens manifestement plus étroits avait déjà été créés avec l’État de la future résidence.

Deux époux néerlandais, mariés sous le régime légal néerlandais, ayant résidé toute leur vie aux Pays-Bas, décident de venir passer leur retraite dans le Midi de la France. Monsieur DG est en train de diminuer son activité de vétérinaire aux Pays-Bas et y retourne de temps en temps pour y effectuer des opérations chirurgicales complexes. Madame DG est retraitée de l’éducation nationale néerlandaise et touche sa retraite aux Pays-Bas. Leurs trois enfants, adultes, vivent aux Pays-Bas. Les époux DG ont mis en location leur logement des Pays-Bas et se sont installés durant l’hiver dernier dans ce qui était jusqu’à présent leur résidence secondaire française. Six mois plus tard, Monsieur DG décède d’une crise cardiaque subitement en nettoyant sa piscine. Il laisse un conjoint survivant et trois enfants. L’actif de la succession est composé d’un immeuble aux Pays-Bas et un immeuble en France, de comptes bancaires en France et aux Pays-Bas.

En l’espèce, la question se pose de savoir si la loi néerlandaise est encore la loi successorale applicable ou si la loi française est devenue la loi successorale applicable. Il n’existe pas dans les dispositions du Règlement de définition de la « résidence habituelle ». Force est de se référer aux considérants 23 à 25 préalables aux dispositions du Règlement qui donnent des informations pratiques et envisagent plusieurs situations. Il convient de garder à l’esprit que ces considérants ne sont que des aides à l’interprétation ou des illustrations des articles du Règlement lui-même. Le notaire doit effectuer une « évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès ». Dans ce cadre, les éléments à prendre en compte pour déterminer la résidence habituelle du défunt sont, notamment, « la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence ». Tous ces éléments pertinents doivent révéler un « lien étroit et stable » avec l’État concerné. Le critère de la « résidence habituelle » se distingue de celui du domicile retenu en droit commun et est utilisé depuis longtemps par le droit européen (par exemple, dans la Convention de La Haye de 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux). 

C’est un critère beaucoup plus souple et qui ne requiert pas, en principe, de rechercher une volonté de s’établir durablement en un lieu donné. Il permet, en principe aussi, une identification aisée et contribue à assurer une sécurité juridique accrue.  

En l’espèce, le Règlement demande de se situer dans l’État concerné, d’une part, dans les années précédant le décès, -ce qui conduirait plutôt à désigner la loi néerlandaise- et, d’autre part, de s’y situer au moment du décès, – ce qui conduirait plutôt à désigner la loi française -. Ensuite, l’examen de « la durée et de la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné » ferait pencher plutôt en faveur de la loi française. En effet, les retours de Monsieur DG aux Pays-Bas ne s’effectuaient que sporadiquement et il n’est pas étonnant de quitter progressivement une vie active intense. De plus, l’examen des conditions et des raisons de cette présence sur le sol français révèle bien que la vie des époux DG, le « centre des intérêts de leur vie familiale et sociale », trouvait son point d’ancrage désormais en France. Nous entendons, dans le cas particulier, la « vie familiale » au sens restreint de vie conjugale et ne prenons pas en compte la résidence de leurs trois enfants, adultes indépendants, aux Pays-Bas. Il est vrai que le couple n’avait pas vendu son immeuble aux Pays-Bas, ce qui peut faire penser à un éventuel esprit de retour. Mais, avec le critère de la résidence habituelle, la volonté future (et, souvent, aléatoire) du défunt n’a plus à être prise en compte. En outre, Madame DG perçoit sa pension de retraite aux Pays-Bas, mais, d’une part, ce revenu ne constitue pas une portion importante du revenu global des époux et, d’autre part, toutes les formalités de transfert n’avaient peut-être pas encore été réalisées. En tout état de cause, ce revenu faisait partie du patrimoine de Madame DG et non du défunt. En conséquence, il y a lieu de considérer que la dernière résidence habituelle du défunt est située en France. La loi française est donc la loi successorale applicable.

Monsieur FR. est de nationalité vénézuélienne. Cependant, il n’a plus d’attache avec son pays d’origine. Âgé de 75 ans, il est décédé le 18 août 2015, ab intestat. Il résidait alternativement en Belgique et au Portugal. Globalement, il passait la moitié de l’année dans le premier pays et l’autre moitié dans le second. Il était propriétaire d’une maison dans chacun des deux pays, lesquelles sont d’une valeur identique. Comment déterminer la résidence habituelle du défunt ?

La détermination de la loi applicable à la succession de Monsieur FR relève du Règlement n° 650/2012. Selon l’article 21, paragraphe 1er du Règlement, la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. La difficulté de la situation est que le défunt résidait autant en Belgique qu’au Portugal. Le considérant 23, lequel retient que la dernière résidence habituelle du défunt doit être déterminée en procédant « à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence », ne nous est, a priori, guère d’utilité. De même, le considérant 24 envisage le cas du défunt qui vivait de façon alternée dans plusieurs États ou voyageait d’un État à un autre sans s’être installé de façon permanente dans un État. Il précise que « si le défunt était ressortissant de l’un de ces États où se trouvait l’ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait. » Mais, de nouveau, dans l’hypothèse considérée, ces précisions ne nous sont de peu de secours. Pas plus d’ailleurs que la clause d’exception de l’article 21, paragraphe 2, permettant de retenir la loi des liens les plus étroits. Que faire ? Nous estimons qu’il convient d’en revenir au principe. C’est-à-dire de procéder à une analyse précise des circonstances d’espèce afin d’espérer en déduire des éléments permettant de désigner la Belgique ou le Portugal en tant que pays de la dernière résidence habituelle du défunt. Il s’agira de déduire de l’ensemble des faits de la vie du défunt un rattachement le plus objectif, réel et sérieux possible. On pourra, à partir des faits de la situation juridique, tenir compte de l’inscription sur des listes électorales, du fait que le défunt était plutôt suivi régulièrement par des médecins et dentistes de l’un des deux pays, que son coiffeur préféré était dans tel pays ou que le vétérinaire de son animal domestique était plutôt celui d’un des deux pays(3) . La localisation ainsi déduite pourra être entérinée par un accord entre les héritiers sur le lieu concret de la dernière résidence habituelle du défunt.

  • Application du règlement par les tribunaux israéliens

Au cours des dernières années, le taux de nouveaux immigrants venus de France augmente de façon exponentielle et il en est de même pour les résidents français acquérant des biens en Israël.

Les Tribunaux israéliens sont donc de plus en plus confrontés aux sujets de droit en lien aux successions des nouveaux immigrants et des résidents étrangers.

Pour rappel, Israël est considéré comme un Etat tiers au règlement.

Prenons comme exemple Monsieur S. qui a la nationalité française et des biens en France (mobiliers et immobiliers). Monsieur S. décède en Israël.

Deux situations sont envisageables :

1) Israël est le pays de la dernière résidence habituelle de Monsieur S. (sans que ce dernier n’ait eu de liens plus étroits avec un autre pays) ;

2) La loi israélienne est la loi qui a été choisie par Monsieur S. qui avait aussi la nationalité israélienne.

Dans la deuxième situation, si Monsieur S. a mentionné expressément dans son testament qu’il choisissait que la loi israélienne doive s’appliquer à sa succession, il n’y aura lieu à aucun renvoi : la loi israélienne sera directement applicable.

En revanche, si Monsieur S. n’avait pas fait de choix de loi et qu’Israël était sa dernière résidence habituelle, sans que la France puisse être considérée comme un pays avec lequel il avait des liens plus étroits, il convient de savoir si la loi israélienne est directement applicable ou si elle opère un renvoi à la loi française.

La législation israélienne ne prévoit pas de renvoi.

Toutefois, elle prévoit des critères qui devront être remplis pour qu’elle soit applicable.

Selon l’article 136 de la loi des successions, le Tribunal israélien acquiert la compétence juridictionnelle pour statuer dans le cadre d’une succession dans l’une des deux conditions suivantes :

1. Le dernier lieu de résidence du défunt au moment de sa mort était Israël.

2. Le défunt a laissé des biens en Israël.

Le critère de la résidence habituelle du règlement est donc repris dans la loi israélienne.

Dans l’affaire Jéricho 4631/90, le Tribunal israélien appliqua la loi israélienne et non la loi musulmane car le défunt remplissait plusieurs critères le définissant comme résident israélien tel que le fait de recevoir une pension de la sécurité sociale israélienne bien qu’il fut pris en charge pour des soins par la caisse maladie de Jéricho.

A l’inverse, dans le cas 17687-06-17, les juridictions israéliennes ont décliné leur compétence au profit de la loi française. En effet, bien que la dernière résidence du défunt fût en Israël, il n’y vécu que 50 jours avant son décès à l’âge de 93 ans. Or, le défunt vécu plus de 35 ans en France et, ses sources de revenus et ses biens se trouvaient en France, et ce, même après sa venue en Israël.

Les critères de la loi israélienne rejoignent ici les critères du règlement européen.

  • La possibilité de choix de loi par le défunt – testament

L’article 22 du règlement consacre l’autonomie de la volonté du défunt en prévoyant, tout en l’encadrant, la possibilité pour ce dernier de choisir la loi applicable à sa succession.

Le paragraphe 1 de cet article lui accorde ainsi une faculté de choix limité à la loi de l’État dont il possède la nationalité au moment où il en fait ce choix, ou au moment de son décès. En cas de binationalité, le défunt peut donc parfaitement choisir la loi de tout Etat (membre ou tiers à l’Union européenne) dont il possède la nationalité au moment où il en a fait ce choix ou au moment de son décès. Il convient de rappeler que ce choix de loi doit porter sur l’ensemble de la succession et qu’il ne peut donc concerner seulement certains biens.

Le paragraphe 2 précise que ce choix doit être formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d’une disposition à cause de mort, soit résulter de manière implicite des termes d’une telle disposition. Cette dernière possibilité est explicite par le considérant 39, qui envisage notamment le cas où, dans sa disposition, le défunt aurait fait référence à des dispositions spécifiques de la loi de l’Etat de sa nationalité.

• L’admission du jeu du renvoi

L’article 34 n’admet que de manière limitée le jeu du renvoi, qui conduit à faire jouer la loi désignée par les règles de droit international privé de l’Etat telles qu’applicables en vertu du règlement, fussent-elles celle d’un autre Etat.

Le renvoi est ainsi exclu en cas de choix de loi par le défunt, ou lorsqu’il a été fait application du jeu de la clause d’exception prévue par l’article 21, § 2. Il est exclu également pour la détermination de la loi applicable à la forme des testaments, à la forme de l’option successorale si elle est conforme à la loi de la résidence habituelle de l’auteur, et dans le cadre des régimes spéciaux visés à l’article 30 du règlement.

En toute hypothèse, le renvoi ne peut jouer que lorsque la règle de conflit du règlement désigne la loi d’un État tiers.

Son application n’est donc en principe possible que lorsque la loi de la résidence habituelle du défunt est la loi d’un Etat tiers et :

– que la règle de conflit de loi de cet Etat tiers renvoie à la loi d’un Etat membre ;

– ou que la règle de conflit de loi de cet Etat tiers renvoie à la loi d’un autre Etat tiers qui applique sa propre loi.

Exemple : dans l’application du règlement, si Monsieur S., de nationalité française, décède à Barcelone ou il résidait depuis de nombreuses années avec sa famille, sa succession sera par principe soumise à la loi espagnole, loi de sa résidence habituelle (l’Espagne étant un Etat membre). En revanche si Monsieur S décède à Marrakech où il vivait depuis sa retraite, sa succession sera soumise au droit français, puisqu’on fera jouer le renvoi a la loi nationale du défunt prévu par le droit international privé marocain (le Maroc étant un Etat tiers) sauf si Mr. S. avait choisi la loi marocaine.

Réserve héréditaire

Le cas de la réserve héréditaire lorsqu’un de cujus de nationalité française décède en Israël et dont la dernière résidence habituelle était en Israël ou qui avait choisi la loi israélienne pour sa succession.

Si la réserve héréditaire n’existe pas dans le droit israélien, le paiement des pensions alimentaires aux enfants mineurs ainsi qu’au conjoint est prévu par la loi israélienne dans le cas où ces derniers dépendent financièrement du défunt. 

En Israël, cette question se posa au Tribunal dans le cas  de l’affaire Kahana.

Il s’agissait d’un citoyen français devenu citoyen et résident israélien. M. Kahana s’est marié sept fois au cours de sa vie et de ces mariages sont nés vingt-sept enfants. Cependant dans son testament M. Kahana indique léguer l’ensemble de ses biens à sa dernière épouse avec laquelle il partagea trente ans de vie commune.

Ses enfants ont protesté contre l’exécution de ce testament, arguant que sur les biens situés en France, s’applique le principe de réserve héréditaire et de ce fait ils sont donc les héritiers légitimes de ces biens. La Cour suprême israélienne a rejeté cet argument et a appliqué le droit israélien sur l’ensemble de la succession (en incluant les biens situés en France) en se basant sur la condition de « dernière résidence du défunt ».

B) Détermination du droit successoral applicable en présence de testament 

Il conviendra de noter que le testament rédigé en Israël par le testateur et pour lequel ce dernier a souhaité l’application stricte du droit israélien a l’ensemble de son patrimoine mondial, va pouvoir en tout état de cause bénéficier d’une validité internationale à l’étranger et plus spécifiquement à l’égard du professionnel français lequel devra analyser sa validité au visa des dispositions de la convention de la Haye du 5 Octobre 1961 :

  • Formalisme local – le notaire français devra s’assurer que le testament a respecté les dispositions du droit successoral israélien, et sollicitera un avocat local sur la rédaction d’un certificat de coutume ; 
  • Date de rédaction du testament – cette question se posera afin de savoir si s’applique le règlement européen ;
  • Il s’agira des lors et après validation de ces conditions de forme selon le droit local, en l’espèce le droit israélien, de faire application du testament sur l’ensemble des biens sis en  France ; 
  • Ce testament devra être traduit en forme notariée et revêtu de l’apostille près le Ministre des affaires étrangères israélien. 
  1. Acte de partage – Résolution fiscale 

Si le droit fiscal semble être la finalité de deux opérations distinctes – dévolution successorale et partage, en ce que l’aboutissement n’est finalement qu’un calcul de droit de mutation à titre gratuit à acquitter auprès de l’Administration fiscale concernée, il n’en demeure pas moins que, dès lors qu’au traitement de chaque dossier une dimension d’optimisation fiscale et/ou de clarification fiscale se doit d’être apportée ou conseillée, une réflexion fiscale devra naitre finalement dès l’ouverture du dossier.

Aussi, l’objectif de cette partie ne se limitera pas au simple règlement fiscal d’une succession, mais aura vocation à exposer autant que faire se peut les implications fiscales beaucoup plus grandes d’un dossier de prime abord simple.

En effet, si l’enjeu fiscal pour le défunt prend fin au jour du décès, pour le passé aucune déclaration n’est acquise de même que pour l’avenir, la charge fiscale reviendra finalement aux héritiers jusqu’ici distinct de la situation fiscale personnelle du défunt.

  1. Méthodologie de raisonnement 

A titre liminaire, il est rappelé la primauté du droit international et conventionnel sur le droit national, encore faut-il d’une part que ces droits supranationaux soient applicables et que d’autre part, ces derniers soient mis en concurrence avec les droits nationaux et aboutissent à une double taxation ou résidence dans notre cas d’espèce.

Aussi, et en l’absence d’accords binationaux franco-israéliens s’agissant des droits de mutations à titre gratuit, il s’agira d’appliquer uniquement les droits nationaux, et plus particulièrement le droit français dès lors qu’un critère de rattachement avec ce dernier pays aura été établi(4) en veillant à éviter tout risque de double taxation(5).  

En effet, il est rappelé que le droit israélien ne prévoyant pas de droit de mutation à titre gratuit au jour de la transmission par décès du patrimoine mondial concerné aux héritiers, le droit français pourra largement être appliqué sans risque de mise en concurrence et donc de double imposition.

Etant à préciser que si effectivement aucune charge fiscale n’est à relever au jour du règlement d’une succession intra-muros ou transfrontalière en Israël, il n’en demeure pas moins que pour tout acte de disposition ultérieure portant sur le bien reçu par héritage par l’héritier, il sera pris en compte, par la législation nationale israélienne, l’absence de toute taxation antérieure dans le calcul des droits de mutation y afférents.

A contrario et pour aboutir notre logique, le recours aux dispositions d’une Convention bilatérale expressément prévue pour le règlement des droits de mutation à titre gratuit (dans notre cas d’espèce) ne pourra avoir lieu qu’en cas de concurrence entre les textes nationaux sollicités et qui aboutirait à une double taxation. 

En effet, si aucun accord en lien n’a été convenu entre la France et Israël, des accords bilatéraux ont été signés avec d’autres pays s’agissant des droits de mutation à titre gratuit.

Aussi, et pour en revenir au droit fiscal français, il est rappelé les règles de territorialité applicable à notre sujet, à savoir :

  • Dans le cas où le défunt était résident fiscal français au jour de son décès, l’intégralité des biens transmis feront l’objet d’une imposition en France et ce indépendamment de la résidence fiscale de chacun des héritiers ou du lieu de situation desdits biens transmis ;
  • Dans le cas de défunt était non-résident fiscal français au jour de son décès, seuls les héritiers ayant une résidence fiscale en France, sous toute réserve, seront imposables en France sur l’intégralité des biens quels que soient leurs situations géographiques – Quid de la législation fiscale applicable dans le pays de situation dudit bien, Israël n’étant pas concernée ;
  • Enfin, dans le cas de défunt était non-résident fiscal français au jour de son décès, les héritiers non-résidents fiscaux français, ne seront imposables en France uniquement sur les biens sis en France, les autres biens seront assujettis au régime fiscal soit du pays de leur situation soit du pays de la résidence fiscale de son bénéficiaire – on en revient à la méthodologie de règlement de conflit de loi sus-expliquée. 

En d’autres termes, et dès lors qu’une résidence fiscale sera à apprécier au jour du décès, il est impératif de ne pas focaliser son appréciation sur les précédentes déclarations d’impôt du défunt, en ce que sa situation pourrait avoir changé au jour de son décès.

Et dès lors il s’agira d’apprécier la situation factuelle du défunt, au jour de son décès, par considération aux textes internationaux pour ainsi fixer définitivement le lieu de sa résidence fiscale dans le pays le plus adapté.

C’est à cet instant précis que commence véritablement le travail du professionnel en ce que, outre l’appréciation du domicile fiscal du défunt voire des héritiers – la logique étant identique, des problématiques sous-jacentes pourraient, dans le cadre d’un dossier transfrontalier, être soulevées, à savoir notamment :

  • Fixation du lieu de la résidence fiscale – Conflit de loi / applicabilité des textes supranationaux ; 
  • Régularisation / Eclaircissement situation fiscale personnelle pour les années passées ;
  • Détention des avoirs et comptes bancaires détenus à l’étranger ;
  • Prescriptions spécifiques dans le cadre d’un dossier transfrontalier ;
  • Prescriptions supplémentaires inhérentes à l’ouverture d’une succession ;
  • Suppression du verrou de Bercy ; 
  • Tax reporting du professionnel.
  1. Problématiques de fiscalité internationale 

Détermination du domicile fiscal par considération à une Convention franco-israélienne ne s’appliquant pas de facto aux nouveaux immigrants

Si effectivement les dispositions de l’article 4B du Code Général des Impôts sont bien connues des professionnels du droit, il n’en demeure pas moins que leur imbrication dans le droit conventionnel franco-israélien s’avère bien plus complexe.

En effet, par considération à un régime de faveur excluant le nouvel immigrant de toute déclaration et imposition en Israël pendant une période de 10 ans à compter du jour de la « alya » – départ en Israël et obtention de la nationalité -, sur les revenus de source étrangère à Israël, les dispositions de l’article 4 de la Convention franco-israélienne de non double imposition en date du 31 juillet 1995 ne trouvent dès lors plus à s’appliquer en ce que le concerné n’est plus résident au sens de la Convention.

Pour rappel, est résident au sens de la Convention franco-israélienne le contribuable qui déclare ses revenus mondiaux à l’Administration fiscale de son pays de résidence et non pas uniquement les revenus de source du pays de résidence.

En d’autres termes, commet une erreur le professionnel faisant application de ladite Convention d’une part dans la détermination du domicile fiscal du contribuable et d’autre part dans l’imposition desdits revenus litigieux, dès lors qu’il est question d’un nouvel immigrant.

Il existe bien évidemment la solution consistant à dénoncer ledit régime de faveur et se comporter comme un contribuable lambda déclarant notamment ses revenus mondiaux à son pays de résidence, mais néanmoins cette option est à étudier dès lors que le concerné ne percevait que des revenus de source étrangère à Israël.

Il s’agit dès lors bien d’une étude casuistique ou le cout fiscal d’une telle opération ainsi que sa faisabilité sont à étudier préalablement à toute prise de décision.

Fixation antérieure d’un domicile fiscal lequel n’est pas conforme au droit fiscal international applicable

Par considération à l’actualité fiscale, et la mise à jour de la faille fiscale jusqu’ici passée sous silence, il est possible pour le professionnel de se retrouver face à un dossier ou le défunt, voire même les héritiers – le raisonnement étant identique à tout contribuable, a d’ores et déjà opéré ledit changement de résidence fiscale mais lequel n’est pas viable par considération à la législation internationale, et sus-rappelée.

En effet, il pourrait s’agir du cas ou un nouvel immigrant a procédé à un changement de résidence fiscale au jour de son Alya (Déménagement en Israël), et dont la situation serait la suivante :

  • Revenus de source française supérieurs aux revenus de source israélienne, 
  • Application de la Convention franco-israélienne pour l’imposition des revenus,
  • Déclaration auprès d’Israël uniquement des revenus de source israélienne, 
  • Déclaration auprès de la France uniquement des revenus de source française que la Convention octroie à la France.

En ce sens, les problématiques posées par ledit cas :

  • Le contribuable n’est pas résident au sens de la Convention dès lors qu’il ne déclare au fisc israélien que ses revenus de source israélienne – Donc application des droits nationaux et non plus conventionnel, 
  • La majeure de ses revenus étant de source française, le changement de résidence fiscale ne présente plus aucun effet pour le fisc français qui pourrait, en cas de contrôle, aisément le remettre en cause – article 4 B du Code Général des impôts,
  • Toujours en cas de contrôle du fisc français, rappel d’impôt sur les revenus mondiaux non encore imposés en France, sans considération de l’imposition qui aurait déjà eu lieu en Israël, en ce que le contribuable contrôlé allant être dorénavant considéré comme résident fiscal français aura une obligation fiscale illimitée envers la France, outre les problématiques notamment d’ISF/IFI, d’exit tax, des avoirs et/ou comptes bancaires détenus à l’étranger, etc.

Dans pareille situation, le professionnel étant dans l’obligation de procéder au règlement de ladite succession, dans un délai allant de 6 mois à 1 an selon le lieu du décès du défunt, une vigilance sera imposée sur les points suivants :

  • En ce que des solutions pourront être trouvées pour l’avenir, il sera fortement conseillé de clarifier la situation fiscale personnelle du concerné (le défunt dans un premier temps) pour les années antérieures – un défunt pouvant tout à fait faire l’objet d’une procédure de rectification de sa situation fiscale personnelle à la charge du passif successoral et donc indirectement des héritiers,
  • L’année du décès, et en cas d’un changement de résidence fiscale d’ores et déjà opéré précédemment, et dans l’hypothèse où ledit changement serait maintenu des diligences auprès du fisc israélien seront à envisager aussi bien pour l’année en cours que pour les années antérieures selon le cas d’espèce, 
  • Etant à préciser, qu’outre les délais de prescription de droit commun, le règlement d’une succession ouvre un nouveau délai de prescription portant sur l’année du décès et l’une des 4 années antérieures – article 172 du Livre de Procédure Fiscale

Détention d’avoirs à l’étranger

Nombreux sont les dossiers où le défunt n’a pas déclaré les comptes bancaires et avoirs à l’étranger, et pour laquelle situation le professionnel en charge du règlement dudit dossier est dans l’obligation d’informer les héritiers sur les conséquences fiscales de telles lacunes, et ce d’autant par considération à une prescription rallongée (10 ans).

Si pour le futur plus aucune régularisation n’est envisageable en ce qu’au jour du décès, seront effectuées les dernières déclarations d’impôts du défunt, il est impératif d’envisager des solutions au jour du règlement de la succession d’une part et pour les années antérieures, notamment par considération au nouveau délai de prescription des impôts inhérent à l’ouverture d’une succession.

En ce sens, il est rappelé les risques encourus en cas de détention d’avoirs ou de comptes bancaires à l’étranger et lesquels n’auraient pas été déclarés au fisc français au cours des années où le concerné était résident fiscal français durant les années non encore prescrites :

  • En l’absence de tout rappel d’impôt, une amende de 1500 Euros par compte non déclaré renouvelable chaque année non prescrite au titre de laquelle une déclaration devait être déposée,
  • En cas de rappel d’impôt, une majoration de 80% appliquée au rappel d’impôt ainsi calculé et laquelle majoration ne pourra être inférieure à 1.500 Euros, 
  • Les avoirs détenus à l’étranger et lesquels n’auraient pas été fiscalisés ou dont l’origine n’aura pu être justifiée, seraient considérés comme un patrimoine acquis à titre gratuit et imposés de facto à 60%.

Par suite, il est indéniable que les implications fiscales d’un dossier transfrontalier de prime abord simple sont telles qu’il est recommandé de s’entourer de professionnels compétents bien en amont, et qui permettront à défaut d’optimisation fiscale une connaissance parfaite des tenants et aboutissants de la situation fiscale personnelle de chacun des concernés.


[1] Art.21/1 du règlement UE n°650/2012

[2] Le droit européen des successions : Commentaire du Règlement n°650/2012 du 04 juillet 2012. Ed.Bruylant

[3] Civ. 1, 14 décembre 2005, n° 05-10951

[4] Article 784 A du Code Général des Impôts

[5] Article 784 A du Code Général des Impôts


Cet article est donné à titre indicatif , par conséquent chaque dossier/cas de succession internationale devra faire l’objet d’une étude circonstanciée , en ce sens les conseils fournis par le cabinet Abitbol & Associés dans le cadre de cette newsletter , ne sauraient constituer une consultation juridique.

Dr Debborah ABITBOL

Avocate-Notaire Barreaux de Paris et d’Israël

Dyna-ël SHARBIT

Juriste – Fiscaliste