Faire un legs reste un geste éminemment altruiste, plus encore lorsque l’on donne à une cause qui semble loin de vos racines. Émilie*, testatrice qui souhaite conserver l’anonymat, n’est pas membre de la communauté, mais a fait le choix du legs à Israël à travers le Keren Hayessod. Elle revient sur son parcours touchant, éclairé par le judaïsme.

Très discrète sur sa personne et ses engagements, Émilie n’en demeure pas moins animée par une sincérité exemplaire lorsqu’elle raconte ce qui l’a conduite jusqu’au Keren Hayessod. Née dans l’ancienne Tchécoslovaquie, elle a « 18 ans et demi » précise-t-elle avec humour, quand elle arrive en France avec ses parents qui connaissent déjà tous deux le pays pour y avoir vécu. En effet, de part et d’autre, les grands-parents avaient travaillé un temps dans les mines françaises, avant de rentrer dans leur patrie.
C’est l’invasion en 1968 de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie pour mettre fin au « Printemps de Prague » qui conduit la famille à cette nouvelle immigration en France. Émilie parle alors d’un « effondrement ». En 1969, elle s’installe dans le Nord, près de Lens, à Arras, puis à Lille où elle vit toujours. Le séjour de la jeune fille ne devait pas durer, mais la fermeture des frontières l’empêche de regagner son pays. Poussée par son père, elle obtient une licence de russe à la fac, mais sans conviction, car elle souhaite une vie plus active. Elle mènera une carrière de secrétaire dans le secteur bancaire.

La religion ? Cette question ne faisait pas débat dans la jeunesse de cette femme qui grandit dans un pays communiste et athée. À l’âge de 30 ans, le hasard, s’il existe, amène Émilie à découvrir l’émission de Josy Eisenberg, La Source de Vie, diffusée le dimanche matin. « Je suis tombée sur deux personnes qui dialoguaient sur la religion, ce qui était assez nouveau pour moi. J’ai suivi l’émission de semaine en semaine, je voulais en savoir plus. J’ai vraiment été éblouie par la pensée juive » confie-t-elle. Si Émilie préfère les lectures aux cours par peur « de ne pas être au niveau », elle aime suivre des conférences pour apprendre, toujours. Elle parle de la « complexité » du judaïsme et cite parmi ses références, les ouvrages de Marc-Alain Ouaknin et de Philippe Haddad. La spiritualité et le savoir, voilà ce qui a marqué son cheminement, pas la conversion, mais la testatrice dit toutefois croire « comme les Juifs en un Créateur de ce monde. »

Voyage Séniors en Israël – Nov 2018

Et puis, il y a Israël, le pays sur lequel elle a porté son regard. « Au décès de mes parents, étant seule, j’ai voulu préparer mon testament, j’ai alors contacté Magda Rychlik, ancienne responsable Legs et Donations du Keren Hayessod. Je dirais que je soutiens Israël par amour du judaïsme, pas comme un État, mais comme une terre qui appartient aux Juifs, où ils peuvent vivre leur religion librement » souligne Émilie. Celle-ci n’a pas seulement fait un legs au Keren Hayessod, l’an dernier, elle a rencontré les bénéficiaires de programmes lors de « voyage seniors » dont des adolescents à risques du « Village de jeunes » qui l’ont beaucoup marquée par leur courage.
Sa connaissance du judaïsme, Emilie en fait part quand elle veut défendre les valeurs auxquelles elle croit. Si elle constate la libération de la parole antisémite en France, elle conclut, émue : « Si j’accepte de parler, c’est surtout pour dire aux membres de la communauté qu’il y a aussi des personnes qui vous aiment, vous estiment et connaissent la richesse du judaïsme. »

Article paru dans le Yessod n°13

* Le prénom a été changé