Idan Raichel, vous enregistrez un nouvel album qui est très éloigné de ce que vous avez l’habitude de faire. Pourquoi ce changement ?
The Edge of the Beginning (ha yad ha ‘hama en hébreu), est le premier album solo après les nombreux albums que j’ai enregistrés pour Idan Raichel Project. C’est important pour chacun d’entre nous, de pouvoir enregistrer de manière indépendante. C’est une perspective différente qui permet d’écrire sur des sujets différents. Aujourd’hui, parce que ma vie a changé – je vis désormais avec ma compagne autrichienne et je suis devenu père de deux enfants- je vois les choses un peu différemment. J’ai eu envie d’écrire et de composer autre chose, de réaliser un album en solo, qui permette de se sentir plus proche des gens… Je les imagine dans mon salon et je joue pour eux, « l’essence » de ma vie depuis ces deux dernières années.
Cet album est en effet plus intimiste et entièrement en hébreu. Est-ce aussi une manière de vous retrouver ?
Oui… toutes mes chansons sont en hébreu. C’est ma langue maternelle. J’ai appris l’hébreu biblique, la littérature, la poésie, je peux m’exprimer avec des métaphores, ce qui n’est pas le cas pour l’anglais. Dans le Idan Raichel Project, il y de nombreuses collaborations avec des chanteurs qui viennent de différents pays et qui ont traduit les chansons dans leur propre langue. Dans cet album, c’est mon monde intérieur, personnel, avec mes filles. Et entre quatre murs, j’ai senti que je devais chanter ces chansons avec ma voix et puisque je chante avec ma propre voix physique, je devais les chanter en hébreu pour que ce soit authentique.
Vous rentrez en Israël et enregistrez dans le sous-sol de la maison de vos parents….
Revenir dans la maison de mes parents était aussi quelque chose d’important. J’ai grandi à Kfar Saba. Aujourd’hui, c’est une grande ville, mais quand mes grands-parents sont arrivés, c’était une toute petite ville, avec quelques familles. Tout le monde se connaissait. J’ai voulu revenir enregistrer dans le sous-sol de mes parents parce que c’était aussi notre terrain de jeux, l’endroit aussi où nous avons commencé à explorer la musique quand nous étions enfants. Revenir ici en tant que père, m’a permis de boucler la boucle, at the The Edge of the Beginning, c’est-à-dire revenir là où ça a commencé, au tout début, ce qui est précisément le titre de l’album.
Vous l’artiste, qui jouez avec des musiciens du monde entier, comment vous sentez-vous israélien ?
Mon identité est israélienne. Avant d’être juif, je suis israélien, avant d’être un musicien, je suis israélien, avant d’être membre d’une famille, je suis israélien. Ma compagne est viennoise et si elle me demandait de déménager en Autriche, je ne pourrais pas l’envisager. Ma vie est en Israël. Si je me sens israélien avant même de me sentir juif, c’est parce que je vois Israël comme un exemple de nation multiculturelle. Des gens venus du monde entier vivent côte à côte et il y a une belle coexistence à Akko, Haïfa, Ramallah, Jaffa, Lod… avec les arabes chrétiens et musulmans. Je sens aussi que je suis israélien quand je me produis en dehors d’Israël. Quand nous jouons en Israël, les gens considèrent c’est la musique israélienne, quand nous jouons en dehors d’Israël, on nous range dans la catégorie World Music, ce qui est un grand honneur pour nous, car chaque artiste représente le pays d’où il vient.
Vous avez accepté de venir donner un concert le 25 septembre pour le Keren Hayessod en France…Que représente pour vous le Keren Hayessod ?
La force d’Israël réside dans le soutien du peuple juif à travers le monde et ce n’est pas seulement un support financier. Israël participe aussi beaucoup à l’éducation des jeunes générations en dehors d’Israël. Parfois quand je rencontre des jeunes Juifs de diaspora, ils connaissent beaucoup mieux la tradition que les jeunes en Israël, parce qu’ils savent qu’ils doivent garder leur héritage et le lien.
C’est pourquoi, je pense que des organisations, comme le Keren Hayessod, sont très importantes. Elles représentent les racines d’Israël pour la diaspora. Sans ces racines, Israël serait très faible en tant que nation, mais aussi sur le plan politique et financier.
Vous avez plusieurs fois donné des concerts devant des milliers de jeunes participants du programme Massa, venus découvrir Israël… Avez-vous un message particulier pour les jeunes de la diaspora ?
En tant que musiciens israéliens, quand on se produit en dehors d’Israël, on est souvent confrontés au mouvement du BDS. La première chose que je leur dis, c’est au lieu de protester ici, venez en Israël, venez à Sdérot, venez dans le Sud d’Israël… Traversez la frontière et allez à Ramallah et Gaza, et venez voir ce qu’il se passe avant de juger. N’essayez pas de nous éduquer et de nous mettre dans des cases ! Venez et regardez. Je pense que chaque participant au programme Massa qui vient en Israël, devient immédiatement un ambassadeur d’Israël, en dehors d’Israël. C’est pourquoi, il est important de soutenir ce programme. Ce n’est pas un séjour de loisirs pour aller voir les belles filles de Tel Aviv. A travers Massa, y a un message et un objectif. Il y a un but à atteindre : venir et voir ce qu’il se passe, parce qu’après ces jeunes deviennent les porte-paroles de notre pays.