L’antisionisme ? Je n’aime pas la chose, et je me méfie du mot. J’ai essayé sans succès de promouvoir le terme d’Israélophobie. P.A.Taguieff n’avait pas réussi à faire valoir « judéophobie » à la place du mot « antisémitisme » qui permettait aux amis des islamistes d’esquiver la critique par un grossier tour de passe passe sur les sémites. L’usage limité aux Juifs du terme « antisémitisme » a acquis ses lettres de noblesse ou plutôt de honte. Les prétextes n’y ont jamais manqué bien avant que ce mot n’apparût (1879).
Le Président Macron a souligné que l’antisionisme est une manière codée d’exprimer l’antisémitisme. Dans le passé bien des Juifs ont été antisionistes, assimilationnistes, bundistes ou marxistes, ou bien attendant que le Messie les conduise à la Terre Promise. Ils sont devenus moins nombreux depuis que le XXe siècle a montré jusqu’où pouvait aller la haine contre les Juifs et la faiblesse des réactions des nations contre cette haine. Les Juifs antisionistes d’aujourd’hui, exhibés comme des trophées, sont les idiots utiles d’une idéologie dont les conséquences ne sont plus celles d’avant 1948. L’antisionisme est criminel car il ne vise plus à la disparition d’une idée, mais à la destruction d’un Etat, avec des conséquences humaines épouvantables. Quant à l’antisionisme « peace and love» qui suggère qu’un état binational de tous les citoyens serait possible dans la sérénité de tous, le simple examen de ce qui est et non de ce qu’on voudrait qu’il soit, prouve sa dangereuse inanité. Mais criminaliser cet antisionisme-là serait s’exposer à des contentieux sur la liberté d’expression aux effets très contre-productifs.
L’antisionisme est la part émergée d’un état d’esprit plus largement répandu, l’Israélophobie. L’israélophobe accuse Israël de tous les maux. L’Etat d’Israël a été reconnu par les instances internationales et a d’ailleurs contribué massivement aux avancées scientifiques, techniques et culturelles de ces 70 dernières années, en restant une démocratie vigoureuse. Il existe bien des pays contre lesquels un «progressiste » pourrait protester, ceux dont le passé recèle une épuration ethnique, dont les frontières sont arbitraires, ceux qu’ensanglantent des conflits communautaires ou des régimes dictatoriaux haineux ou fanatiques…..Comment ne pas penser que cette exclusivité de la stigmatisation, que UN Watch va dénoncer sur le plan politique à Genève dans quelques jours, est liée au fait qu’Israël est l’Etat du peuple juif, ce qui blesse l’orgueil des pays de la ligue islamique. La critique d’Israël facilite des alliances électorales ou politiques, c’est pour certains journalistes un viatique d’universalisme et un label contre le nouveau spectre d’islamophobie. Ce n’est pas sur des circuits nauséabonds d’Internet, mais dans les organes d’information «mainstream » que s‘est banalisée l’Israélophobie, qui n’est pas une simple critique des actions du gouvernement israélien.
Liberté d’expression, mais ne pas laisser la désinformation, souvent organisée en sous-main, enfler les bataillons croissants de ceux qui, sous son influence se mettent à détester Israël, cet Etat qui « prend plaisir à tuer des enfants ». Pointer l’antisionisme comme ersatz de l’antisémitisme est excellent, le pénaliser sera difficile. Mais si l’on veut que les Juifs se sentent un avenir en France, et que la France ait un avenir où la vérité de l’information garde sa place, il faut aussi lutter contre la détestation pavlovienne d’Israël et ne pas laisser passer les « fake news » à son sujet sans réparation adéquate.
Dr Richard Prasquier